Nouvelle consultation algérienne

Sans date

Une fois de plus, Alger. Une fois de plus la ville en guirlande sur la mer, et par ce printemps la fête du soleil. La rade que borne à l'horizon le Djudjura regorge de soleil et d'azur comme une coupe de la joie. Des parfums de fleurs dévalent par les rues étroites jusqu'à la mer, toutes les fleurs à la fois, les orangers, les cytises, les glycines, et les fleurs du plein été, pois de senteur, œillets et roses, chacun de ces parfums glisse par nappes distinctes. On se pose, on ne sait pourquoi, au détour d'un quai, à l'angle d'une place ou sur un des môles. Alger bruyante et bonne fille est là, une fois de plus, mais plus que jamais grimpante. Ville de misère, mais lancinante, de luxe, mais non de morgue ; les clochers et les minarets n’exorcisent pas sa joie charnelle.

Vienne le soir pourtant, Alger se recueille. Tandis que les élégants défilent inlassables rue Michelet et rue d'Isly, le reste de la ville appartient au soir. Il y verse, avec un demi-jour crayeux, les longs rayons d'un or éteint. La mer et les montagnes sont violettes, le ciel vert pâle comme autour des madones de Botticelli. Brefs instants : au-delà de la fête perpétuelle qu'elle se mime comme pour se cacher sa misère, la ville a retrouvé son âme. Mais c'est déjà la nuit, avec ses clairs de lune trop intenses, la féérie un peu vulgaire des hauts vaisseaux illuminés, une beauté galvaudée par tant de chromos qu'elle n'émeut plus.