Les Secteurs d'améliorations rurales d'Algérie

Tous les domaines de l'activité agricole

On trouve des SAR dans tous les domaines de l'activité agricole : céréaliculture et cultures diverses, élevage, arboriculture, oléiculture, phoeniciculture. La mission de l'Assemblée de l'Union Française en a visité vingt-deux. Nous voudrions rappeler ici quelques unes de nos impressions les plus frappantes.

1° SAR de céréalicultures d'abord. Nous nous sommes demandé parfois si l'Algérie n'allait pas, grâce à eux, redevenir cette Afrique romaine où l'empire puisait son blé. Dans les Bibans, dans le Sersou, au pays des Ouled Mimoun, partout nous voyons des terres, défoncées grâce aux moyens mécaniques, travaillées avec les meilleures méthodes du dry farming, décupler leurs rendements. Les Fellahs qui naguère encore grattaient la terre avec l'araire des anciens, retenaient d'admirables charrues à disques. Chacun d'eux avait désormais son attelage de mulets, sa charrue, son semoir. Ailleurs on cultivait des lentilles. Comment ne pas évoquer ce long plateau des Berkeches, paysage sobre, que la richesse de ses cultures paraît d'une réelle beauté ?

2° Mais plus encore nous ont frappé les SAR d'élevage. Ils répondent plus spécialement à la vocation de l'Algérie. Malgré l'exemple des Romains, celle-ci ne sera jamais un grenier à blé. Au contraire, elle peut devenir une sorte d'Australie française. Avec un aménagement rationnel, elle devrait porter vingt-cinq millions d'ovins. Sans doute ainsi l'Union Française ne serait-elle pas entièrement libérée du lourd tribut qu'elle paie chaque année à la zone Sterling et à la zone Dollar pour ses approvisionnements en laine. Du moins ce tribut serait-il déjà moins lourd. En outre, nous pourrions exporter de la viande, l'agneau broutard paraissant une des denrées les plus susceptibles d'être achetées par l'Angleterre dans les années à venir et en dépit de la politique d'austérité.

Le troupeau ovin de l'Algérie oscille actuellement entre cinq et dix millions de têtes. Plus exactement, pendant les belles années il monte à dix millions. Vienne une crise de sécheresse : il retombe à cinq millions. Il importerait donc de le défendre contre ces crises de sécheresse. L'accroissement quantitatif devrait également être doublé d'une amélioration qualitative. Trop souvent la laine d'Algérie est jarreuse, bonne tout au plus pour le tapis. Les indigènes la présentent dans les pires conditions, vendant autant de crottes que de poil. Une action énergique s'impose donc pour mettre en valeur ces Hauts Plateaux d'Algérie qui ont mérité le nom de « pays du mouton ».

Cette action peut être réalisée, au moins en partie, par les Secteurs d'Améliorations Rurales. La mission de l'Assemblée de l'Union Française a visité trois SAR d'élevages, et cette expérience lui a paru concluante. Comment ne pas évoquer ici ce SAR de Roumana, près de Bou Saada ? Dans une longue peneplaine, dont le bleu dur contrastait avec l'azur limpide des lointaines montagnes, on avait rassemblé des troupeaux. Le vent soufflait, un peu froid, et les bêtes se serraient les unes contre les autres. Le vent rebroussait les toisons, d'un seul frisson, comme un champ de blé. Les bergers, abritant les derniers-nés dans leur burnous, rassemblaient leurs bêtes à grand cri. Nous étions remontés très loin dans les temps. N'était-ce point le troupeau de Jacob ? Ces bergers n'étaient-ils point les frères de Joseph ?

Faisant contraste avec cette scène biblique, le secteur d'Améliorations Rurales lui-même. Un long bâtiment abritait le logement du moniteur. Un bac d'étiquetage le prolongeait, avec des enclos pour la vaccination. Ici tout était rassemblé pour la lutte contre les fléaux qui périodiquement déciment le troupeau : la faim, la soif, la maladie, le froid.

Lutte contre la faim d'abord. Une luzernière dans un ancien oued, des banquettes de cactus inermes ont été plantées : ce fourrage sera distribué gratuitement dans les périodes de disette. Cette culture s'étendra sur cinq ou six mille hectares, avec mises en défend – Lutte contre la soif ensuite : douze puits d'eau ont été aménagés autour du centre. - Lutte contre la maladie : une piscine de dix mètres est déjà en fonctionnement pour désinfecter les moutons. On peut y baigner et vermifuger de 800 à 1 000 moutons à l'heure. Le bain et l'administration du vermifuge sont suivis de la vaccination, ainsi que de la castration des animaux les moins beaux et de l'ablation de la queue des jeunes brebis – Lutte contre le froid enfin, grâce à des bosquets de jujubiers plantés de loin en loin dans la plaine.

Le résultat est immédiatement visible. Les troupeaux avaient été décimés par cinq ans de sécheresse. On les reconstitue en prêtant à chaque éleveur nécessiteux une vingtaine de bêtes. Ces troupeaux sont presque entièrement remboursés en un an. Quant à la qualité de la laine, elle vaut celle des meilleurs croisés d'Australie.

3° Non moins intéressants sont les SAR d'arboriculture. Sans doute pour sauver les terres d'Algérie, eût-il été à la fois plus simple et plus efficace de reboiser. Mais on devait tenir compte des situations acquises et ne pas priver les Fellahs de leurs terres, même menacées. Aussi, un peu partout, tente-t-on sur les terres déclines des cultures en banquettes, avec, au bourrelet de celles-ci, des plantations d'arbres fruitiers. Ces paysages lunaires d'Algérie deviendront-ils un immense verger ? Déjà les SAR d'arboriculture couvrent 30 000 hectares. Dans deux ou trois ans, ils en couvriront 120 000. En même temps l'Administration s'attache à améliorer le rendement des quelque 60 000 hectares que représente le verger indigène de l'Algérie, souvent fort mal cultivé.

4° Enfin, dans le Sud, pour sauver les oasiens, on crée des SAR  de phoeniculture. Nous en avons visité un à El Arfiane, entre Biskra et Touggourt. Mais, à vrai dire, le problème du Sud Algérien dépasse les possibilités des SAR. C'est avant tout un problème de recherche de l'eau – et peut-être encore plus un problème de réglementation de sa distribution pour en éviter l'appropriation abusive.