Raymond Cartier contre le cartiérisme

16/5/1965

M. Raymond Cartier n'est probablement pas responsable du cartiérisme. Voici quelques huit ans, après un reportage hâtif, il a lancé un cri d'alarme. Les articles d'alors qu'il publia dans Paris-Match étaient assez légers. Ils comportaient plus d'erreurs qu'un journaliste de cette classe et de ce renom peut s'en permettre. Ses conclusions manquaient de nuances. Les thèses sentaient l'égoïsme des nantis. Pourtant, de façon malheureusement fâcheuse, ces articles dénonçaient un mal réel : des erreurs du Plan d'Outre-mer et le caractère trop spectaculaire de nos réalisations. C'était le temps où on construisit le Palais de Justice de Dakar en le parant de colonnes de marbre au prix de plusieurs millions CFA chacune.

Ces excès méritaient d'être dénoncés. Malheureusement, avec la demi-complicité de M. Cartier, s'est bâtie toute une doctrine politique d'abstention et de repli, sorte de pacte colonial nouveau style refusant tout effort pour l'Outre-mer dès lors que les « colonies » ne rapportaient pas. Du cri d'alarme de M. Cartier, on fit une exploitation de petits bourgeois. Fi des responsabilités de la France dans le monde ! Fi de la responsabilité morale des colonisateurs qui, selon le mot de Germaine Tillion, ne pouvaient laisser leurs administrés « au milieu du gué » ! Le cartiérisme, doctrine du conservatisme radical-socialiste, était lancé.