Raymond Cartier contre le cartiérisme

Un néo-cartiérisme contre les excès certains

M. Cartier valait mieux que son succès et la nouvelle série d'articles qu'il publie dans Paris-Match, si elle appelle des réserves, ne comporte plus, comme la précédente, une condamnation de l'aide aux pays sous-développés. Aussi surprenant que cela puisse paraître à nos amis, je me suis parfois – et partiellement – senti d'accord avec ce nouveau Raymond Cartier.

Que dans l'emploi de notre aide des excès certains aient été commis est un fait, et le démenti du Ministère de la Coopération, ces derniers jours, ne porte que sur des points de détail vraiment sans importance. Or ces excès, il faut qu'ils cessent. En premier lieu, parce qu'ils finiront par stériliser l'aide dont les États africains ont absolument besoin. L'effort qu'elle suppose ne continuera pas longtemps. En second lieu, pour une raison morale. Le pouvoir qui s'enlise dans un or qui ne lui appartient pas, se dégrade toujours et très vite. L’Afrique mérite mieux que des gouvernements mendiants.

Il faut donc que finissent les excès et d'abord le plus grand : l'Algérie. Je ne sais ce que ce seront dit le Général de Gaulle et M. Ben Bella sous les ravissants bris du Château de Champs. Mais ayant fait trois séjours en Algérie dans l'espace de moins d'un an, je puis apporter un témoignage personnel. Nous avons versé des sommes énormes à l'Algérie. Nous nous en sommes laissé dérober encore plus (au point d'approcher des mille milliards d'anciens francs). Si ces sommes avaient aidé ce pays à se relever de ses ruines, si le fellah en avait éprouvé un mieux être, si la faim avait reculé, si des usines se montaient, j'accepterais de gaîté de cœur un sacrifice quand même dramatique pour notre pays. Le spectacle que j'ai vu m'a navré. J'arrivais avec toute ma bonne volonté et l'amour que la loyauté envers mon pays ne m'a pas permis toujours d'exprimer, mais que j'ai toujours gardé dans l'âme. Je n'ai jamais cessé de dénoncer les injustices collectives dont nous, français, étions responsables. Mais ce n'était pas pour voir cette dégradation progressive et maladroite qui n'a guère cessé de sévir en Algérie depuis son indépendance. Aucune aide ne vaut sans une structure d'accueil et il n'y a plus de structure d'accueil en Algérie, car les rêveries mégalomanes ne sont pas des structures d'accueil. Les plans trop ambitieux ne font qu'empêcher les réalisations modestes et sûres qu'on pourrait entreprendre. S'étant mis dans l'impasse, le Gouvernement algérien s'est lancé par fuite en avant dans un prétendu socialisme, se livrant à des confiscations qui ont rendu moribonde une économie déjà malade. Les algériens oubliaient une chose : il n'est pas de socialisme sans une administration nombreuse, compétente et honnête. On ne fait pas du socialisme avec une poignée de directeurs, d'ailleurs excellents, mais que rien n'assiste. L’Administration que suppose le socialisme leur fait totalement défaut. Ne la possédant pas, ils se précipitent vers l'échec. L'Algérie, c'est une France de 1945 qu'on aurait laissé gouverner par les FTP !