Situation algérienne encore dégradée

8/10/1964

 

Un voyage éclair en Algérie m'a permis quelques constatations, hélas ! peu  satisfaisantes.

Les élections ont amené une unanimité pour le FLN. Même pas d'abstentions ! Il eût été évidemment dangereux de ne pas figurer sur le registre des votes. Désormais, 120 députés vont voter comme un seul homme. Même le peu d'observations que présentait une opposition timide et menacée ne pourra plus être formulé. Par contre, tout m'a laissé prévoir un remaniement ministériel, et en particulier l'éclatement en trois morceaux du Ministère des Finances et des Affaires Économiques de M. Boumaza.

Mais surtout l'administration achève de se désagréger. A titre confidentiel, nous pouvons indiquer que lorsque ledit M. Boumaza rentrera de Chine, il se trouvera en présence de 40 démissions de ses meilleurs fonctionnaires. Ceux-ci estiment n'être plus en mesure de travailler.

  Enfin, l'affaire dite des Bachaghas, c'est-à-dire la confiscation des biens des « collaborateurs », apporte un nouveau frein à une économie déjà en panne. En effet, les bien déjà vendus par les personnages visés sont confisqués en quelque main qu'ils soient passés. Quant aux dépossédés, on ne leur laisse que le vêtement qu'ils ont sur eux.

Le socialisme sous sa forme la plus brutalement stalinienne s'implante de plus en plus, malgré les déclarations lénifiantes de M. Boumaza en juillet. Il est vrai qu'il est tempéré par une anarchie qui donne à réfléchir. Confisqué depuis six mois, un magasin comme « Les Galeries de France » ne peut ouvrir à nouveau faute d'être doté d'une direction. Que dire lorsqu'il s'agit d'une entreprise industrielle. De même, le Commerce Extérieur est confié à des Groupements qu'on ne parvient pas à constituer.

Anarchie encore dans un contingentement qui se généralise. C'est ainsi que le contingentement des voitures automobiles ayant été décrété en juillet, aucune licence n'a encore été attribuée.

Enfin, la fiscalité écrase les dernières entreprises. En 1964, elles ont dû supporter l'arriéré depuis juillet 1962 jusqu'à fin 1963, car l'industrie n'avait pas permis le recouvrement des impôts, puis elles ont dû acquitter les impôts de 1964. Maintenant on leur réclame, à titre provisionnel, quatre mensualités de 1965...

Chaque fois qu'on se rend en Algérie, on constate que ce pays a descendu un nouveau palier.