Où va l'Algérie ?

Face à « nos frères marocains »

Car la situation, et c'est pour Ben Bella une autre raison de fuite en avant, s'est encore compliquée du heurt avec le Maroc. En face d'un Maroc dont ce choc a réunifié les esprits, mais qui évite l'exaltation et les transes, M. Ben Bella se livre au délire nationaliste. Il n'en est pas dupe lui-même mais il essaie de procéder à la liquidation d'une unité maghrébine dont le leadership ne lui serait pas assuré, tout en détournant l'attention de l'ordre et de la relative prospérité que la sagesse de ses souverains a assuré au Maroc. Pourtant, dans ce pays, bien des choses sont déconcertantes. C'est dans un palace, fort loin de sa capitale, que dans cette période de conflits s'est installé le souverain. Pour trouver, alors qu'on se bat, le chef d'État-major général, le mieux est d'aller boire une orangeade au bar de la Mamounia. Le Ministre des Affaires Étrangères siège souvent dans les jardins de cet hôtel. Ce sont là coutumes de princes orientaux, mais une incroyable déperdition d'énergie en résulte. Cela dit, assez curieusement, au Maroc même la querelle avec l'Algérie entraîne des conséquences défavorables à l'Occident. Cette querelle n'est pas étrangère aux remous provoqués par un article sur la « maroquinisation » du commerce, article  à l'origine sans fondement, mais que le Palais n'ose démentir, car cette maroquinisation profiterait à des membres influents de l'ISTIQLAL, cette opposition de droite qui, sous le coup du conflit avec l'Algérie, s'est rapproché du gouvernement royal.

Selon toute probabilité, on peut penser, au jour où j'écris, que le conflit entre l'Algérie et le Maroc se résoudra beaucoup plus par la palabre que par les armes. Il n'en est pas moins une ombre en plus sur l'avenir immédiat de l'Algérie.