Les Secteurs d'améliorations rurales d'Algérie

Une population sans cesse croissante

Sans doute, quand le Gouverneur général Chataigneau lança le 18 avril  1946 les Secteurs d'améliorations rurales (il entreprit là une de ces tâches qui suffisent à l'honneur d'un homme) ne voyait-il pas aussi loin. Son objectif était simplement d'apporter un remède au problème démographico-économique de l'Algérie. Nous avons apporté à ce pays la paix intérieure et l'hygiène. Il en est résulté un accroissement  quasi géométrique de la population autochtone. Les chiffres suivants sont éloquents.

1830

1 500 000 habitants

1926

5 115 000 habitants

1931

5 588 000 habitants

1936

6 247 000 habitants

1949

8 000 000 habitants

Ce mouvement n'est pas arrêté. Si aucune catastrophe n'intervient, ce qu'à Dieu ne plaise, la population autochtone algérienne aura encore doublé en 1960.

Cette population possède la plus grande partie des terres cultivables d'Algérie : 9 200 000 hectares sur 11 600 000. Malheureusement comme nous l'avons dit, elle les cultive dans l'ensemble fort mal (la Kabylie est absolument une exception ; cet immense verger de Kabylie évocateur de l'Hellade). Nous serions tenté de dire que les autochtones cultivent mal avec obstination. Nous nous rappellerons toujours ces Fellahs du bassin versant de l'Oued Fodda se refusant à labourer selon les courbes de niveau et suivant au contraire la plus grande pente. Dans ce paysage érodé, presque lunaire, où la roche perçait sans cesse la maigre terre, c'était douloureux de voir l'homme contribuer à la dégradation du sol. Nous évoquions certains de ces paysans noirs ou asiatiques si industrieux à édifier des terrasses, à retenir le sol. Est-ce la religion, la race, l'une et l'autre de pasteurs migrants, plus que de cultivateurs ? Le Fellah n'a pas le sens de la terre. Nomade mal fixé, elle n'est pour lui qu'un lieu transitoire. Cet homme qui voulait labourer dans le sens de la plus grande pente, ne nous demandait-il pas, à nous qui prétendions lui apprendre à mieux cultiver, qu'on l'exproprie ? Il n'avait pas cet enracinement au sol qui fait le vrai paysan.

Ne nous étonnons pas de la faiblesse des rendements. Sans doute les belles années, quand Allah le veut, la terre est généreuse. Mais ces cultures archaïques ne peuvent supporter aucun accroc. Quatre années sur cinq, elles ne donnent à peu près rien. Nous avons vu, dans des coins de steppe, entre Aflou et Laghouat ou encore aux environs de M'Sila des Fellahs s'obstiner à ensemencer en blé des terres qui ne leur procurent pas une récolte tous les dix ans.