Au banc d'essai algérien

Forces nouvelles 1956

 

Que pense-t-on du côté des Musulmans du voyage de M. Guy Mollet à Alger. Bien fort qui le saura. Surtout quand il est aussi difficile de connaître qui, parmi eux, est représentatif. Pendant ce voyage marqué d'émeutes européennes, on a l'impression qu'ils sont discrètement « restés au balcon », à regarder. D'autre part, le chef du Gouvernement, gravement préoccupé des réactions européennes, ne paraît avoir eu que des contacts limités avec l'élément musulman. Tous ces faits on certainement contribué à amortir au maximum le choc psychologique que le Gouvernement escomptait en « reconnaissant la personnalité de l'Algérie ».

Quant à l'avenir, force est d'attendre la déclaration gouvernementale. Au moment où nous écrivons, nous en sommes réduits aux suppositions ; un peu inquiets seulement de la satisfaction affichée par M. Bourgès-Maunoury. Dans le précédent gouvernement, notamment pour l'entrée de jeunes Musulmans dans l'administration, ne se montrait-il pas « timoré », pour ne pas dire plus ?

On parle beaucoup des projets économiques et sociaux du gouvernement. Sur ce point on peut dire que sa ligne lui est tracée d'avance. Les conclusions de la première commission Maspetiol en juin 1955, celles de la Commission de la main-d’œuvre, celles enfin de la deuxième Commission Maspetiol ont permis une connaissance en quelque sorte scientifique de ce qu'il convient de faire pour améliorer la situation matérielle des Algériens (c'est d'ailleurs là le fond du problème). Mais dans une affaire qui s'est dramatiquement politisée, on a hâte de savoir quelles seront les conclusions politiques du gouvernement. M. J.-J. Servan-Schreiber nous dit que ce gouvernement entend appliquer le programme électoral du Front Républicain. C'était un programme fédéraliste, et les affiches de la SFIO clamaient l'autonomie et les négociations, en même temps que le rappel du contingent. Or, on nous parle aujourd'hui du collège unique et de l'augmentation du nombre de députés d'Algérie, ce qui est une mesure proprement assimilationniste, difficilement compatible en tous cas avec le fédéralisme. Le Gouvernement prendrait-il cette option assimilationniste sans même s'en apercevoir ? Décidément le « banc d'essai Algérien » paraît pour le Front Républicain en forme de pierre d'achoppement.