Nouvelle consultation algérienne

Autonomisme des européens

Revenons en Algérie. Nos rendez-vous se succèdent, toutes les rencontres que suppose l'examen périodique et minutieux d'un territoire. Qu'en est-il, en particulier, de l'espèce d'autonomisme latent des européens d'Algérie ? Ce phénomène, assez peu connu, m'a toujours paru susceptible de graves conséquences.

Je ne parlerai pas du Département d'Oran. Je n'y suis pas allé cette fois-ci. D'ailleurs, je le connais moins. Mais je suis frappé de la divergence d'évolution entre les Départements de Constantine et d'Alger. A Constantine, on regarde beaucoup plus qu'autrefois vers la métropole. On y est hostile à toutes les formes d'autonomisme larvé (et on s'en inquiète), fut-ce celui qu'incarne et qu'exprime l'Assemblée Algérienne et le Gouvernement Général. Deux faits paraissent provoquer cette attitude. D'une part l'émotion causée par les événements de Tunisie, d'une Tunisie que rien ne sépare géographiquement, du Constantinois. Inquiétude d'autant plus vive qu'ici le souvenir de 1945 est présent aux esprits. D'autre part une certaine défense contre l'emprise algéroise. Le Gouvernement Général, c'est Alger. L’Assemblée elle-même, pourtant représentative des trois départements, c'est encore Alger. A Bône surtout, le grand port si riche, - et si particulariste – on se méfie d'une capitale concurrente.

Au regard, en Algérois l'autonomisme européen n'a fait que s'accentuer. Assemblée, Gouvernement Général par leur présence même le renforcent, puisque – paradoxalement – l'Assemblée Algérienne est un phénomène politique algérois, mais surtout ce séparatisme larvé gagne la masse. On semble s'y résigner. On n'imagine même pas d'autre évolution que centrifuge. On s'installe dans un comportement, en tous cas dans le sentiment de l'inéluctabilité de cette évolution. Certes, je comprends que les milliardaires encouragent le maintien de barrières qui permettent de ne payer que 40% d'impôts là où en métropole ils en paieraient 60%. mais des milieux qui ne sont pas milliardaires, très loin de là, acceptent passivement que la France s'éloigne. Habitude due à la pratique d'institutions autonomes et à la lecture quotidienne d'une presse qui – en majorité – ne regarde que peu au-delà de la Méditerranée.