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Sadowa, victoire autrichienne

 

Sadowa, quelles images affluent quand nous prononçons ces trois syllabes. Les atermoiements de l'Empereur déjà malade – avec à la main son éternelle cigarette – et que paralyse sa passion des « nationalités ». l'Impératrice qui tremble pour la dynastie, qui craint la jeune puissance de la Prusse, qu'affole l'effondrement de la Catholique Autriche... Et puis le cousin « Plonplon », lui aussi qui s'agite.

En histoire, on aime les images d'Epinal. On prend un fait, on l'isole, on lui donne une valeur propre, en le séparant de tous les faits qui le préparent et qui l'expliquent. Ainsi en va-t-il de Sadowa. Et sans doute, nous voyons bien les faits qui en découlent. L'Autriche vaincue, c'est la force de la Prusse manifestée au monde, demain c'est l'Empire allemand, c'est la guerre de 1870, Sadowa c'est aussi l'Italie qui achève son unité perdant toutes les batailles et y gagnant des provinces.

Et pourtant, si Sadowa avait été une victoire, les choses eussent-elle été vraiment changées pour l'Europe et pour la France. Nous ne le pensons pas.

La Prusse vaincue se fût jetée dans les bras de la Russie. Seul le désir de ménager l'Autriche l'en a en effet pendant longtemps écartée. L’État major, en Allemagne a toujours le désir de cette alliance, et à Saint-Pétersbourg les influences germaniques sont nombreuses. Or c'est la conjonction des deux plus grandes puissances militaires du continent, car les guerres d'alors ne détruisaient pas profondément la force militaire d'un peuple, et la vaincue de Sadowa eut gardé son armée intacte.

En face de ces deux redoutables Puissances que voyons-nous ? L'Autriche, état vieilli, archaïque dans sa constitution et que son succès confirme en quelque sorte dans ses erreurs, la France que le péril couru n'a pas réveillée. La France continue de se croire forte parce qu'elle fut glorieuse, elle s'enferme dans ses illusions s'imagine encore redoutable, comme la Comtesse de Castiglione, ayant brisé ses miroirs, s'imaginant encore être belle.

L'Italie est avec la Prusse et la Russie. Elle inaugure un peu plus tôt ou un peu plus tard, vis à vis de la France, sa tradition d'ingratitude. Au surplus ce n'est pas elle qui changera l'équilibre des forces et, inaugurant encore une autre de ses traditions, elle pourra toujours venir au secours du vainqueur.

Reste l'Angleterre ? Elle seule serait capable de renverser l'équilibre des forces, si elle s'allie à la France et à l'Autriche, la victoire de Sadowa a vraiment compté. Mais l'Angleterre n'a pas encore compris. L'Angleterre comprend toujours un peu trop tard. Elle n'est pas venue au secours de la France en 1870, pourquoi y fût-elle venue, dans cette guerre que nous imaginons. Le problème est pourtant le même. Il s'agit toujours pour elle de prévoir si un jour la Prusse ne deviendra pas menaçante. Et elle ne le voit pas.

Sadowa victoire Autrichienne, c'est quand même à bref délai la France écrasée, parce qu'elle a encore assez de force pour inquiéter, mais plus assez pour se défendre. Peut-être même la situation eût-elle été plus tragique, car plus difficile eût été pour nous le redressement diplomatique. La France est rentrée dans le concert des Puissances après 1870 par l'Alliance franco-russe et si la Russie avait soutenu l'Allemagne, il eût été beaucoup plus difficile à notre pays, matériellement et psychologiquement, de contracter cette Alliance.

Hélas ! Si Sadowa avait été une victoire Autrichienne, c'était quand même pour la France l'effondrement prochain, car elle n'avait plus la puissance militaire indispensable à son rôle historique et à sa place dans le monde.