Allusion à l'Extrême-Asie

Le Grand Lac

La double pâleur transparente du Grand Lac et du Ciel composait un paysage luisant et doux comme un satin. Dans ces blancheurs amorties seule tranchait à l'horizon la ligne basse des lotus. Saturé d'eau l'air sentait l'herbe et la terre. Aucun discontinuité dans ce paysage. Rien non plus ne m'en retranchait. Aucun son, ni la vivacité d'une couleur n'y éveillait ma conscience. J'étais un peu de cette uniformité somnolente.

Je regrette qu'on ait ici bâti une pagode pour un Bouddha géant et laid. Tout y répugne un peu : la bonzesse chauve aux dents laquées (elle offre un thé pâteux comme une boue), les chauves-souris accrochées aux pourrissantes tentures, les dieux tapis sournoisement au fond de l'ombre. La cour aux dalles moisies, cernée de murs, semble éloigner le divin. Elle est comme refermée sur l'homme.

Ce paysage du Grand Lac, cette pagode croulante, est-il lieu où Dieu ait été davantage privé de sa transcendance ? Est-il lieu où l'homme ait été plus privé de sa substance ? Dieu n'a plus Son Nom, ni l'homme, ni la création. Tout ici, le divin et l'humain, se confond dans une immanence trouble.