L'Afrique courtisée cédera-t-elle à la tentation asiatique ?

Cartiérisme ambiant

Pour les Africains, la tentation est forte. Le niveau de vie de leur population est bas, et le souci de le relever anime tous les gouvernements. Malheureusement, si des importations à bas prix peuvent dégrader les prix au stade industriel, et nous allons y revenir, les populations n'en bénéficieront que peu ou prou. Rendues sur les marchés après toute une série d'intermédiaires et de revendeurs, dont les bénéfices croîtront d'autant, elles s'aligneront sur les prix européens. Nous l'avons dit, au stade industriel, les marchés se dégraderont. Autant dire que si ces importations se multiplient, l'Afrique verra péricliter ses industries que leur nouveauté rend fragile et les investisseurs seront découragés.

Les répercussions peuvent être encore plus profondes. Sans la contrepartie que représentent des débouchés privilégiés, français et européens, dont contre le cartiérisme ambiant les sentiments ont besoin d'être stimulés, se décourageront d'aider l'Afrique. À la limite, celle-ci se condamnera au rôle de fournisseur de matières premières agricoles toujours difficiles à placer, tandis qu'elle importera toujours les produits manufacturés. Un pacte colonial obscur et sournois sera souscrit, dont cette fois-ci l'Asie sera la bénéficiaire.

Ce risque, heureusement, les Africains d'expression française – nous n'en dirions pas autant du Ghana – l'ont spontanément aperçu. Ils ont d'instinct réagi, établissant des plafonds aux importations asiatiques. L'Afrique d'expression française, comme Madagascar, ont prouvé que leur maturité de pensée n'était pas seulement politique, mais économique.