De Libreville à Fort Lamy, à l'écoute des Africains

Une tâche grandiose nous attend encore

Comment communiquer en France cet optimiste qui malgré tout m'anime, moi, le vieux routier du Continent Africain ? Qu'il soit justifié ne dépend que de nous, français. Certes, nous avons connu des expériences avortées, mais nous l'avons vu, le bilan est quand même positif. Il nous appartient qu'il le soit définitivement.

Il suffit pour nous d'oublier un temps les anciennes structures. Il suffit d'oublier les constructions juridiques qui n'ont plus de sens. Il suffit de jouer enfin nos vrais atouts.

C'est d'abord l'atout culturel. Nous avons métissé l'Afrique. Nous lui avons donné une teinte de France qu'elle ne pourra plus jamais effacer. À nous d'entretenir cette coloration. C'est dire que notre influence culturelle demeure un atout dont nous devons entretenir les éléments. Les Africains le demandent avec insistance.

Le second atout est la symbiose économique. On ne peut savoir comme, lue en Afrique, la motion des ignorants de l'UNEF apparaît prétentieuse et ridicule. Que ces grimauds aillent à l'école des réalités africaines. Mais laissons-le jeter leur gourme. Écoutons plutôt les dirigeants africains, que ces gamins, par snobisme, s'appliquent à discréditer à coups d'opinions achetées toutes standardisées dans les « prix uniques » de l'intelligence. Or que réclament-ils, ces hommes d’États africains, qui eux se sont formés dans les vrais débats de la politique ? La consolidation de cette symbiose économique qui, au delà des fragiles constructions institutionnelles, assure une cohésion profonde entre l'Afrique et l'Europe. Ils demandent une organisation des marchés. Ils demandent des contrats de longue durée, où nous leur assurerons un débouché sûr et privilégié en échange des avantages qu'ils nous concéderont sur le plan contingentaire et tarifaire. Voilà ce que doivent signifier les accords de coopération, et on s'étonne que certains départements ministériels français soient aussi réticents à y accéder. Il n'y a pas là, domination camouflée comme le veut la ? poseuse de certains étudiants, mais réciprocité vers la conquête d'un mieux être pour le paysan africain et la garantie du pain quotidien pour beaucoup de nos ouvriers.

Pour cette œuvre qui nous attend, pour cette Afrique qui nous appelle, nous aurions pourtant besoin de toutes nos forces vives. Beaucoup de choses sont à repenser qui réclament notre imagination créatrice, ne fut-ce que les structures de la zone franc, mal adaptées aux nouvelles indépendances. Contre le cartiérisme des capitalistes et les fausses générosités de faux intellectuels dont les offensives se conjuguent si étroitement que leur ressemblance paraît n'être pas accidentelle mais essentielle, nous avons un combat à mener. Ces offensives auront en tout cas l'une et l'autre ce même résultat d'empêcher en Afrique tout investissement. Pendant bien des centaines de kilomètres j'ai longé l'ancien Congo Belge : nul ne peut souhaiter que son sort s'étende à une Afrique d'expression française qui a si bien su s'en préserver. Une fois de plus c'est d'Afrique que nous viennent les leçons de la sagesse, quand le Président Mamadou Dia met en garde une certaine gauche française contre les erreurs dues à l'ignorance. Contribuer à la naissance d'un monde qui, par delà les communautés artificielles, serait, par l'osmose culturelle et la symbiose économique conjuguées, comme une grande fraternité intercontinentale, l'idéal n'est-il pas exaltant ?  L'Afrique a déjà répondu, à la France et à l'Europe de savoir ne pas se dérober.