De Libreville à Fort Lamy, à l'écoute des Africains

Incertitudes Centrafricaines

Mi-congolaise et mi-tchadienne, le République Centrafricaine est un hybride. Elle doit son existence moins aux anciennes frontières de l'Oubangui qu'à la volonté puissante de Barthélémy Boganda. Dans son tombeau il demeure encore le meilleur garant de son unité. Rien ne sert de refaire l'histoire avec des « si ». S'il était encore là, peut-être l'histoire du Congo Belge. À quoi bon, il n'est plus...

Est-ce un paradoxe ? L'unité de la République centrafricaine est un peu faite, maintenant, d'inconsistance. Rien n'y est bien solide, mais tout tient. Le jeune Chef d'état qui préside est efficace. Il est intelligent et réfléchi. Mais quelque chose échappe toujours des mains de ce pays, quelle que soit la qualité de ses dirigeants. Jamais je n'ai eu peut-être aussi fort le sentiment d'une autre Afrique, latente et mystérieuse, au-delà des villas ministérielles et des magasins bien achalandés, la République Centrafricaine est insaisissable.

Et puis ici, par mille moyens obscurs – et même l'intermédiaire de certains français – l'URSS travaille fort. Tout se passe comme si elle avait choisi cet État comme un de ces prochains terrains de la guerre froide. Les dirigeants actuels de la République lui sont heureusement un obstacle. On peut craindre pourtant ...

Car de l'autre côté du fleuve, c'est l’Équateur. De ma fenêtre je contemple sa rive morte. Une jolie villa se dresse sur la colline, juste en face de moi. L'an dernier, j'en ai envié les occupants. Je leur imaginais une existence paradisiaque. Le soir, je voyais les fenêtres illuminées se refléter dans le fleuve. La nuit à  présent la maison demeure obscure. Elle est désertée. Mais tout à coup, alentour, se lève, comme un symbole, le feu de brousse. Il enflamme toute la colline, incendie de ses lueurs rousses le fleuve, les arbres ne sont plus que de grands squelettes obscurs sur un fond de braises. Il éteint jusqu'à l'immense clair de lune, désormais invisible. Image d'un autre feu, plus dévastateur.