De Libreville à Fort Lamy, à l'écoute des Africains

Dans l'euphorie du Kouilou

Parler du Congo de Brazzaville est une entreprise difficile. Aucune arrête vive. Aucun trait saillant, sinon le surprenant contraste avec l'autre Congo. Celui-ci dresse toujours, de l'autre côté du fleuve, la silhouette californienne de son énorme cité. On sait qu'y règne le désordre et la peur, avec un cortège de honteuses spéculations et l'orchestration bouffonne de l'ONU. Rien n'en déferle à Brazzaville, sinon les trafics clandestins sur un franc congolais qu'on négocie à 2,50 au lieu de 5 et la fraude douanière : tout le Congo ex-Belge, pourtant famélique, brade ses dernières ressources pour amasser du CFA.

Une fièvre a pourtant saisi le Congo de Brazzaville : le Kouilou. On ne peut s'empêcher de penser à Donogoo. La France a promis le barrage de Kouilou, elle a, sur quelques cent milliards d'anciens francs nécessaires débloqués six cents millions seulement. Qu'importe ! Le Kioulou existe. Il est là, les turbines s'affolent. Les usines dressent au ciel leurs chaudières fumantes. Un mirage futurécis a submergé les palmeraies de Brazzaville. Souhaitons que ce rêve ne comporte pas de réveil.

Un rêve auquel à Brazzaville on espère donner consistance par une sorte de méthode Coué. Chaque image ainsi projetée nous engage plus. À coup de rêve, nous enfanterons sans doute un monstre industriel. À moins que...

À moins que cette Afrique pourtant si calme ne prenne un autre tournant. Rien n'est plus tout à fait sûr ici. Rien n'est sûr, sauf le rêve peut-être. Alors on a eu raison.