Où va le nouveau Maroc !

L'hypothèque algérienne

Dans cette politique intérieure du Maroc l'affaire algérienne est une donnée majeure. Elle la grève comme une hypothèque. Il faut comprendre à quel écartèlement elle soumet les Marocains. Ils sont pris entre des sentiments contradictoires. Ils tiennent à l'amitié française. Si « l'interdépendance » n'est pas dans les textes, elle marque bien des aspects de la vie marocaine. On sait bien à Rabat qu'aucune aide ne peut être désintéressée que la nôtre. On y voit bien la solidarité de nos intérêts. La grande ombre de Lyautey plane encore, même si on débaptise ses avenues. Les dirigeants du Maroc ont reçu l'empreinte française. Mais en même temps, comment n'éprouveraient-ils pas avec les rebelles algériens (ils confondent avec lui tout ce peuple) la fraternité musulmane ? Ils en subissent les impératifs comme des devoirs. Fraternité aussi d'un peuple nouveau-né à l'indépendance pour ceux qui tente de l'obtenir.

Les Français, les Algériens jouent comme des atouts dans la politique algérienne. Ils sont pour chaque homme politique marocain l'occasion de se classer ou de se surpasser les uns les autres. La dangereuse présence des réfugiés algériens n'y est d'ailleurs pas étrangère. Tant que l'affaire d'Algérie ne sera pas apaisée, le Maroc ne trouvera pas son total équilibre intérieur.

L'opinion française devrait le comprendre. Quand Mohammed V offre ses bons offices il ne se mêle pas d'un problème lointain. Comment se désintéresserait-il d'un drame qui commande le destin national de son peuple, et dont la solution peut influer sur la stabilité de son trône ? S'il se concerte avec Bourguiba, n'est-ce point que les attitudes fracassantes du Président Tunisien le gênent dans son action modératrice ? Certains Marocains la lui reprochent et préféreraient les rodomontades à la tunisienne.