Les Comores, Iles de trop nombreux passés

Rétrospective impériale

Dans ce contexte de splendeur équatoriale, mais de minables ressources, entre la flibuste et les mondanités d'antan, la République française se mîme encore une rétrospective de plus : celle des fastes impériaux. Faute de crédits, ces fastes se déploient en mineur, mais le haut-commissaire ne sort pas sans fanion, fût-ce pour visiter une plantation, et, si on en croit la rumeur, le grand problème politique, dans cet ultime bijou de famille, est de veiller à ce que le pavillon vert du vice-président du Conseil du gouvernement ne soit pas pris pour un drapeau. Un tel détail situe un certain climat, peut-être touchant, de reconstitution du passé. Ce climat, ne l'ai-je pas reconnu dans la sollicitude insistante jusqu'à paraître entachée de méfiance, qui mobilise avec courtoisie, mais rigueur, des hôtes prétendus de marque ?

Qu'a-t-on à cacher pourtant ? Certes, l'archipel connait des divisions internes. Sinon, il ne serait pas un archipel. Évidemment, en vrais fils des Mille et une Nuits, les Comoriens jouent subtilement, dans leurs querelles, de leurs rapports avec la France, les îles les plus faibles et les plus pauvres ayant tendance à rechercher une intégration plus intime à notre République pour se protéger contre l'emprise de leurs voisins et frères plus puissants.  Ainsi, à Mayotte, est-on accueilli à l'aérodrome par des banderoles portant fièrement : « Nous sommes français depuis quatre-vingts ans et nous entendons le rester », tandis qu'à la Grande-Comore une population plus nombreuse, tout en tenant à des liens avec notre pays, souhaite une politique centrifuge. Mais voir dans ces positions beaucoup plus que le reflet des insularités antagonistes serait commettre un contresens.

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Ruelles étroites de Moroni, où sous la chaux apparaît, en trainées noires, la lave. Rues d'Anjouan, avec les femmes ensevelies sous leurs voiles rouges et blancs. Seuils où des vieillards en immense boubou, poussent les grains d'un chapelet plus long qu'ailleurs... Des enfants, eux, jouent dans l'eau des ports, beaucoup d'enfants, d'innombrables enfants. Leurs dents brillent et même scintillent dans leur face brune. À Moroni, on joue de petits jeux politiques, mais dans ces Comores, si pauvres, où j'apprends qu'il n'y a pas de budget d'équipement, qui demain les nourrira, ces enfants ? Cela ce n'est pas une rétrospective.