Les Comores, Iles de trop nombreux passés

La Croix 6/10/1967

 

« Et les chiens ? Émile, as-tu veillé à ce qu'on n'ait pas oublié les chiens ? » L'avion d'Air Madagascar va quitter la Grande Comore dans un brouhaha d'adieux et de commérages. Le propriétaire des chiens monte et descend de l'avion avec une familiarité que depuis vingt ne connaissent plus les grandes lignes. La vieille Afrique ressusciterait-elle ? Que M. Émile vérifie l'installation de ses chiens, cela compte en ce pays : si petite est Moroni, la capitale des Comores ! Tout le monde y est en relation. Quand un fonctionnaire s'en va, la ville entière se rend à « l'aviation », dans un bariolage de mini-jupes outrancières pour les dames (ici on prend à la lettre les journaux de mode), mais aussi de shorts pour les hommes, puisqu'on porte encore le bienheureux costume des époques coloniales.

Et comme le DC4 m'emporte, j'éprouve la mélancolie de retomber dans mon époque. N'ai-je pas, pendant quelques jours, vécu des rétrospectives conjuguées ? Devant moi ces mêmes dames de l'aviation se sont joué la rétrospective des mondanités administratives. Elles ont arboré des robes longues un peu fanées au bras d'époux en smoking blanc. Elles ont entretenu les dénigrements mutuels des sociétés closes, divisées en clans d'autant plus tranchés qu'on est moins nombreux.