Nous avons évité à notre Afrique le sort du Congo

Continuité de la politique africaine

Ces thèses, que développait Aujoulat en 1945, allaient inspirer notre action, celle de nos ministres de la France d'outre-mer, Paul Coste-Floret, Jean Letourneau, Pierre Pflimlin, Robert Buron, Jean-Jacques Juglas, Pierre-Henri Teitgen, André Colin. Car la IVe République, contrairement à ce qu'on affirme, fut l'époque de grandes continuités politiques au service de grands desseins. Les présidences de gouvernement changeaient, mais les ministres des Affaires étrangères bâtissaient, dans la continuité l'Europe ; mais rue Oudinot se succédaient des ministres d'un même esprit, attachés à une même œuvre, et quand y passaient des parlementaires d'autres formations, Mitterand ou Jacquinot, nous leur devons cet hommage qu'ils surent ne pas opérer de césures dans la politique. La discontinuité est venue depuis...

D'ailleurs, cette volonté d'émancipation, cette volonté de laisser l'Africain maître de son destin, le Congrès de 1948 à Toulouse devait la marquer de façon décisive en créant des Indépendants d'Outre-Mer. Nous acceptions qu'il n'y eût pas de MRP en Afrique, pour que l'Afrique pût être entièrement elle-même, pour la préserver des querelles métropolitaines aussi. Nous laissions les Africains choisir leur sort de parti africain, au lieu de les attacher à notre char de parti français.

L'action du MRP ne se distingue pas de la très grande politique africaine de la IVe République. Ce fut, en effet, une très grande politique africaine. Si le sort de l'Afrique francophone s'est distingué de celui du Congo belge, nous le lui devons. Et ce résultat est dû à notre volonté que des Africains se forment au pouvoir dans les assemblées métropolitaines. Les Senghor, les Ahidjo, les Houphouet-Boigny, les Tsiranana y sont venus. Ils y ont appris leur métier de futur chef d’État. On nous accusait de bâtir la maison par le toit. Nos adversaires auraient voulu que, pour commencer, les Africains fussent cantonnés au niveau des municipalités. S'en seraient-ils satisfaits, ces hommes qui avaient l'aptitude aux grandes affaires internationales ? Les voyez-vous, ces Senghor, ces Houphouet-Boigny ne dépassant ni Thiès, ni Yamoussokro ? Leur dynamisme se fut mué en révolte pour en faire ensuite des leaders sans expérience, ni relations.

Pourtant, en même temps qu'à Paris, l'Afrique apprenait à jouer sur le clavier des grands problèmes internationaux, localement elle s'initiait à ses propres affaires. On avait bâti le toit. En même temps, n'en déplaise aux contempteurs, on édifiait les murs. Les assemblées territoriales géraient les affaires locales. Les grands conseils administraient les intérêts des régimes. Partout des hommes apprenaient l'art de gouverner. Au jour de l'indépendance, le général de Gaulle a trouvé à qui en confier le difficile exercice.