Nous avons évité à notre Afrique le sort du Congo

Une volonté d'émancipation

Entre temps, le Code du Travail Outre-Mer, déposé par Paul Coste-Floret, rapporté par Joseph Dumas, défendu au Parlement par Pierre Pflimlin apprenait aux Africains que l'égalité des droits n'était pas un vain mot.

À Pierre-Henri Teitgen est revenu de parfaire cet édifice à la fois en mettant au point une loi sur les municipalités africaines et en déposant la loi-cadre qui consacrait l'évolution des treize années précédentes. Cette loi-cadre n'a pas survécu, non qu'elle fut défectueuse, loin de là, mais parce que les événements allaient précipiter, sans gradation ni transition, les pays africains dans l'indépendance.

Les événements ? Le vent de révolte qui souffle en mai 1958 sur la Métropole se répercuta dans les autres pays de l'Union française. Les révolutions sont presque toujours contagieuses, mais de façon souvent inattendue et contre le gré de leurs auteurs. L'édifice métropolitain ébranlé, les autres pays devaient être d'autant plus tentés de prendre leur liberté sans attendre.

Plus lourd de conséquences, peut-être, le caractère inadapté de la Constitution de 1958 qui revenait très en arrière. Ceux qui accédaient au pouvoir nourrissaient, en effet, d'étranges illusions. Ils pensaient arrêter, par leur seule présence, le cours de l'Histoire. Ne partageaient-ils pas les illusions de leurs supporters, les pieds-noirs en révolte ? Pourtant, je me rappelle la visite d'un sénateur africain, depuis ministre d'un État dont il assura la prospérité, venu me voir dans mon petit bureau de la rue de Poissy pour me faire part de son inquiétude – telle était la pensée du nouveau pouvoir à l'époque – si on refusait aux Africains le droit à l'indépendance. Ne soyons pas surpris qu'une communauté aussi réactionnaire n'ait duré que le temps pour le général de Gaulle de constater, avec lucidité, que ce titre de la Constitution était caduque avant de naître.