Un problème politique : l'association du Nigeria au Marché commun

Âge de pierre et XXIe siècle

Âge de pierre et XXIe siècle cohabitent, mais le XXIe siècle triomphe. Avec une population égale au quart de toute l'Afrique, avec la richesse de son cacao et de ses palmistes, avec pour demain d'énormes gisements pétrolifères, avec une industrie dès aujourd'hui spectaculaire, avec un gouvernement pondéré qui double l'un après l'autre les caps les plus difficiles, avec la sagesse de son système fédéral (quels qu'en soient parfois les tiraillements : ainsi au dernier recensement), le Nigeria doit, si rien n'interrompt sa marche, se classer avant six ans comme une grande puissance.

Or, ce pays a demandé son association à la Communauté économique européenne. On s'étonne que, pour s'en réjouir ou s'en effrayer, l'opinion politique n'accorde pas plus d'intérêt à l'événement. Me gardant de prendre parti, je voudrais donc, en ces quelques lignes, résumer, tels qu'ils m'apparaissent, les avantages et les inconvénients que peut présenter cette association.

Ses avantages proprement politiques sont éclatants. Le Nigeria, ses richesses, son potentiel auraient chance d'échapper à l'emprise du Caire, quand la RAU essaie d'y accentuer sa pénétration déjà facilitée par un Islam puritain que, contrairement au reste de l'Afrique noire, altèrent peu les ferveurs animistes. Le Nigeria est la voie par laquelle le monde musulman, dans son orthodoxie et son intransigeance politique, atteint le golfe de Guinée, coupant l'Afrique en diagonale par le Nord du Tchad au point même de son pivot géopolitique, à la charnière entre ses régions occidentales et ses États du centre. Arrêter la marche du nasserisme par l'association du Nigeria à la CEE est un objectif que les Occidentaux sont fondés à rechercher.

Mais d'aucuns soulèvent, non sans pertinence, des objections d'ordre économique. La demande d'accession de la Grande-Bretagne au Marché commun a naguère suscité l'opposition de notre pays. Celui-ci a motivé son refus par la crainte d'une submersion économique de l'Europe par le Commonwealth, ses bas salaires et ses dumpings. Or, avec le Nigeria, c'est justement le Commonwealth qui demande à pénétrer : conséquence possible, l'écrasement de l'Afrique noire francophone par cette masse économique à qui son énorme marché interne permet les productions de série (et sur le plan agricole, que deviendraient les arachides sénégalaises?).