Pour une renaissance africaine

Réforme morale d'abord

Mais si justement nous voulons que notre Continent d'Afrique rattrape le retard que lui a imposé l'Histoire, nous devons d'abord pour lui une réforme morale – oui, même pour un résultat économique. Je suis convaincu que le récent code civil de Côte d'Ivoire, en luttant avec prudence contre la polygamie, l'infériorité de la femme, la pratique mercantile de la dot, est une révolution économique plus certaine et profonde que les gratte-ciels et les usines d'Abidjan. Ceux-ci, si n'intervient une réforme morale, dans une génération, ne seront plus que des ruines. Même du point de vue de la lutte contre le sous-développement, la première urgence est que se constituent de vrais foyers. Cette réforme vaut pour toutes les classes de la société, depuis les ministres qui seraient plus efficaces s'ils entretenaient moins de maîtresses, jusqu'aux ouvriers dont le rendement s'accroîtrait si moins ardentes étaient leurs nuits, jusqu'au paysan de la brousse. La première conquête de l'Afrique sur elle-même doit être la chasteté conjugale. Car l'instabilité douloureuse qui caractérise un continent traumatisé par le choc trop brusque du monde moderne, ne sera guérie que par le pouvoir de paix et d'ordre qui est le charisme des vrais foyers. Je pense que le principal effort missionnaire dans l'Afrique d'aujourd'hui doit être lié au sacrement de mariage, qu'on agisse auprès des européens du lieu (qu'on a parfois trop négligé spirituellement en oubliant leur pouvoir multiplicateur pour le bien comme pour le mal), qu'on agisse auprès de ceux qu'on appelle du nom odieux d' « évolués », qu'on agisse auprès des masses urbaines si sensibles à l'exemple de tout foyer religieusement uni comme auprès des masses rurales. Il existe de mystérieuses correspondances entre les fautes et les grâces. L'Afrique, continent sexuellement obsédé, peut trouver dans le mariage la clef de sa renaissance.