La mer est morte

 

Le départ des vaisseaux a fait rêver mon enfance. J'ai vécu dans l'appel des courantes sirènes les soirs de brouillards, les mâts étaient une forêt morte depuis des millénaires, une forêt fossile inscrite en creux dans l'ardoise. Mais sous l'afflux des eaux se mouvait la forêt fantôme.

Le premier mouvement du bateau sous la vague, et le frémissement quand, les jetées dépassées, il s'est tout entier lancé dans l'aventure de la mer. Cotes perdues, l'éternelle alternance du ciel et de la mer. La psalenandie des vagues aux nuages, un dépouillement qui peu à peu mue l'âme en silence. Une vie dont la chute et le montée du soleil composent le seul accident.

Aucun appel ne retentit plus dans les ports déserts – Le monde s'est brusquement muré – Les digues se sont fermées sur un continent de douleur, et si balancent encore les vaisseaux du port. C'est de re??ie et de nostalgie. La mer est morte.