Martyrs

Egremont 17/8/41

 

Mes fenêtres ouvertes, je sens vivre jusqu'en moi la forêt. Elle pénètre de toute part, je la respire. Elle m'emplit de son effluve, du murmure mourant de ses branches comme la mer.

Je sors dans le premier matin, après le grand ouragan qui nous a torturé cette nuit. Les arbres déracinés répandent une odeur de sève, fraîche comme l'odeur des noix. Un chêne agonise, fendu de haut en bas. Il saigne. Des troncs arrachés à mi-hauteur, lèvent leurs fibres tordues, leurs branches écartelées laissent  aux frênes (?) de longues plaies blanches.

Mais déjà brille le soleil dans les futaies où les fougères déferlent. Déjà les cimes plongent dans un ciel bleu. Elles me tirent jusqu'à lui. Je me sens bu par tout l'azur frais lavé. Je suis un de ces prés qui dans le ciel balance... balance.

Oh ! Martyrs. Il ne m'est pas besoin d'un dieu qui m'écorche. De tout mon corps je suis la forêt immensément respirante...