Nocturne II

28 août 1939

 

Une langueur pèse sur la campagne ce soir. Elle monte avec les fumées des feux d'herbes qu'on allume au détour des champs. L'été n'est pas fini que déjà l'automne fond sur nous.

Entends les bruits de l'automne, le cri effrayé des sarcelles sur les eaux mortes des étangs. Il gémit sur ces lourdes eaux sans reflets. C'est l'heure où avec les premières colchiques au long des prés sourd dans le cœur des enfants l'angoisse de voir l'été mourir. Le couchant s'écourte. Il semble que gorgée de tristesse la terre ait hâte de s'engloutir dans le calme épais de la nuit.

La nuit se pose sur la terre comme des ailes où se réfugier. La grande nuit couve la terre. Sens la se glisser sous les branches où le dernier lièvre tressaille. Elle s'insinue par les futaies, rampe aux halliers. Seuls se répondent un bizarre accroc des nuages et l'étang clair. Ils échangent une dernière tristesse.

Et moi, le cœur gorgé des peines que je n'ai pas souffertes, j'écoute longtemps le dernier chariot rentrer, dans la nuit lourde où attendent d'éclore les douleurs.