Nocturne I

 

Les enfants sont partis dans le clair de lune. Ils ont repoussé le grand battant noir du portail, et l'avenue les conduit comme un corridor de lumière vers la colline. Les branches dans leur jeu d'ombre composent un paysage si contrasté qu'ils le reconnaissent à peine. Ce n'est plus le parc qu'ils traversent, mais cet immense clair de lune où s'engloutissent les étoiles.

Ils se sont assis sur l’ancien balustre, témoin des grâces abandonnées du jardin. La nuit les pénètre et monte comme un flot dans leur âme. Le crissement exaspéré des grillons s'est tu, et se détachent les deux notes, toujours les mêmes, de la fontaine. Soudain les enfants frémissent : la lumière est si dense qu'elle les unit à la terre.

Ils ont senti, tout à coup, qu'eux et elle étaient de la même chair, et quand le vent se lève, déchirant de violentes ombres le clair de lune, ils savent que gémit la terre en attendant qu'ils ressuscitent.