Souvenir

Août 1942

 

Encore ce merveilleux paysage français. Encore les collines bleues, à la courbe classique, nobles de figures déjà à l'arrière plan des Riches Heures du Duc de Berry, avec leurs routes bordées d'arbres en boule, leurs champs pelucheux, doux à l’œil, et ces lointains comme un velours.

Me consolerez-vous, beau pays bleu et rose, des pays que je ne verrai plus ? La calanque et juste au-dessous de nous, plate comme une feuille de nénuphar, la barque. Les aloès, déjà presque épuisés, érigent la haute fleur qui les tue sur une mer bleue, absolue, intense, impavide. Et dans le bois de pins tordus là-bas  où commencent les bosquets de chênes liège aux rouges blessures, un figuier de barbarie dresse une seule corolle jaune pâle. Partout les cigales grinçantes traduisent en un chant aigu la chaleur presque insupportable du jour.

Devant le calme paysage si beau, - l'église réfugiée sous les peupliers, les villages tirant à eux par mille liens de routes et de chemins l'appareil compliqué des champs, - devant le calme paysage si beau je songe à ces pays dont la splendeur est dure comme le diamant, dont ils ont l'arrête blessante.