Lettre

Cauteret septembre 1928

Ma bien aimée

Je suis devant la mer sombre de la nuit et je pense à toi, cette mer n'est-ce pas celle où la lune ruisselait un frisson d'or autrefois...

Oh ! Se souvenir de ton corps appuyant sur mon corps son jeune désir, nous dansions, t'en souvient-il, un tango très lent.

Je ne veux plus danser, qu'est ce symbole de l'amour sans toi...

Pourquoi ce soir l'ombre des tamaris évoque-t-elle les formes de ton corps... Pourquoi la mer violette a-t-elle les reflets de tes yeux... Pourquoi le crissement des pierres sur la route où je traîne mes pas est-il le même que celui des graviers de ton jardin où tu me donnais des fleurs... Pourquoi ne suis-je pas le vent qui fait frémir tes lèvres en les frôlant, et surtout

pourquoi ne suis-je pas près de toi ce soir,

O ma bien-aimée...