L'heure exquise

Crépuscule

avril 1928

 

à Éliane AT

Nocturne première partie

En écoutant Reynaldo Hahn

Viens-t'en, nous parlerons de délicieux voyages...

ou bien nous nous tairons, et tous deux recueillis

nous sentirons monter en nous l'âme des nuits,

comme la mer d'été se glisse sur les plages.

 

Le soir mauve survit longtemps encore au ciel...

tout se tait... le jet d'eau s'endort ; la mare brune

semble porter, comme une barque d'or, la lune...

Du sol monte un parfum humide et chaud de miel...

 

Viens-t'en... sens, le printemps fait cette nuit douce...

Nos pas silencieux sur les sentiers de mousse

ne réveilleront pas les malheurs endormis...

 

Viens, descends dans le parc où tout s'idéalise,

viens, sur ce banc violet qui s'écroule à demi,

pour, délicatement de peur qu'elle se brise,

 

Tous les deux enlacés, savourer L'Heure Exquise.