L'amant des sirènes

décembre 1926

 

Quand un mortel entend les longues cantilènes

Que par les soirs d'été, voluptueux et lourds,

En dansant sur la mer, exhalent les sirènes,

Il va seul, énervé par son étrange amour.

 

Il ne voit plus le soir et la beauté sereine,

Des pins saupoudrés d'or qui penchent sur la mer,

Ni les larges bateaux qui rentrent, voile pleine,

Ni le rythme onduleux des flots soyeux et pers.

 

Il ne sent plus l'odeur des plantes que les vagues,

En longs rubans luisants, en lourdes gerbes d'or,

Amassent sur les rocs... Il va... seul, il divague...

Il erre au bord des flots, halluciné.

 

Il n'entend plus le chant du ressac sur les côtes,

Ni le vent qui murmure entre les tamaris,

Ni le grondement, grave et sourd, à marée haute,

De la houle, morne et verte, sous un ciel gris.

 

Et la mer, indulgente à la douleur humaine,

Un jour, entre ses pas, ouvre ses flots profonds,

Et par un soir troublant et triste, le ramène

Sur la grève, parmi les tas de goémon.