Promenade en mer

À mes amis Jacques Chancerelle et Jean Varichon en souvenir des promenades faites ensemble à Bénodet au large et sur le fjord.

Septembre 1926

 

L'aile blanche du yacht gitée et pleine d'air,

Nous partons, et la brise embaume nos poitrines

Joyeux nous respirons les effluves marines,

Odeur de goémon, et de mer.

 

Nous partons, le soleil joue avec chaque vague,

La mer est lumineuse et reflète le ciel,

Et l'horizon bleu clair, transparent, irréel,

Ennuagé de buée, est une ligne vague.

 

La côte à chaque instant disparaît un peu plus,

Les pins roses et bleus auprès du fjord s'embrument.

On aperçoit au loin des maisons, leurs toits fument...

Nappe lisse d'azur pâle, voici glisser le flux.

 

Au large les bateaux penchent sous les risées...

La mer est calme et lisse où, soyeux, nous glissons,

Seul la ride parfois, l'effleurant, un poisson,

Sur la grève, elle expire en vagues irisées.

 

Tout prêts à s'envoler d'un vol articulé

Des cormorans muets se posent à leur faîte..

Des varechs comme des chevelures défaites

Tachent de cernes violets.

-----------------------------------------------------

Mais ce que je préfère aux parfums, à la brise,

Aux lumineux reflets du soleil sur la mer,

A la limpidité transparente de l'air,

A la vague qui meurt et renaît, et se brise,

 

C'est le profond silence étendu sur la mer,

A peine le bourdon des vagues sur la grève,

Le cri d'un courlis blanc, note sciante et brève,

Le frou-frou du bateau, le murmure de l'air.