Que faire en Algérie ?

Forces nouvelles 1955 ou 1956

 

Dans la campagne électorale sous le préau des écoles, on se lance de grands mots vagues : assimilation, intégration, autonomie, fédéralisme. Ces diatribes sont d'autant plus flamboyantes que plus flagrante est l'ignorance et l'opinion plus inquiète devant la vague d'attentats.

On discute sur une Algérie imaginaire. On règle le sort de ce pays sans nul souci de ce qu'il est. On s'inspire, avec impavidité, du régime en vigueur ou en préparation pour la Tunisie et le Maroc, en semblant oublier que l'Algérie n'a jamais été comme eux un État ; que la proportion des Français est plus forte, que les Musulmans y sont beaucoup plus francisés (nous y sommes depuis 1830 : le Maroc n'a été pacifié qu'en 1934). on oublie tous les caractères qui exigent pour l'Algérie une solution originale, comme on oublie son étroite interdépendance économique avec la France.

Mais à l'autre bord, même ignorance presque candide. On oublie tous les obstacles que rencontre l'assimilation, voire l'intégration. Ils tiennent au caractère même d'une population que l'Islam a modelée jusqu'en son intime. Ils tiennent également au retard économique du pays. On n'intègre pas des économies de but en blanc, quand la disparité de leurs niveaux de vie est au moins à la puissance cinq. Au point de vue politique, il paraît difficile d'introduire dans le Parlement cent vingt ou cent trente députés musulmans élus par une population à 80% analphabète. Dire que l'Algérie « ce sont trois départements français » est juridiquement vrai. Mais il ne faut pas perdre de vue combien ces départements sont particuliers.

Au lieu de lancer des mots vagues, on ferait mieux de déterminer les bases concrètes d'une politique. Le problème algérien, complexe entre tous, ne sera pas résolu avec quelques « il n'y a qu'à ». Pour quelqu'un qui, comme J. Fonlupt-Esparaber ou moi-même, a beaucoup parcouru ce pays (je crois en avoir visité presque chaque village), il semble que pour trouver une solution au problème algérien – sans faux semblant – un certain nombre de conditions doivent être remplies.