XX

Branle bas dans la rue ! Tumulte ! Marie ne s'en soucie pas.

La varlope de Joseph ne grince-t-elle pas en cadence sur le bois ? Jésus ne joue-t-il pas, assis dans un couffin ? Cela seul compte. Il joue avec ses mains, avec le rayon de soleil où dansent incandescentes des poussières, avec l'ombre d'un papillon, avec la mouche qui bourdonne autour de sa tête. Tout lui est jeu, et parfois il éclate d'un grand rire de bébé bien portant, parce qu'en nettoyant les bassines Marie les a fait tinter l'une contre l'autre.

Qu'il est beau, ce bébé ! Marie en est fière. Une ombre passe devant ses yeux pourtant. Elle pense à ce glaive de douleur qu'on lui a prédit. Ah ! Si elle pouvait souffrir et par sa souffrance obtenir que Jésus fut épargné. Mais il sera en butte aux contradictions : elle s'en souvient aussi. Elle pense, elle prie, elle médite. Elle le sait : la souffrance de Jésus s'enracine en elle. Elle pressent des correspondances secrètes. Elle découvre en son âme des sommets où joie et douleur s'unissent. Elle devine de longs sentiers à gravir dans l'épaisse nuit de la foi. Elle a beaucoup souffert déjà, quand Satan lui soufflait le doute. Derrière son calme bonheur d'aujourd'hui, elle devine une douleur plus aiguë.

Mais ce vacarme dans la rue ! Tout le village s'y presse ! Tout le village y entoure des Mages venus d'Orient, des Mages venus de très loin avec des chameaux et des éléphants. Ils sont passés par Jérusalem où ils ont vu le Roi Hérode. La ville est en émoi. Et maintenant les voici dans cette bourgade minuscule, presque risible dans sa prétention de Cité Royale.