Indochine

Témoignages

Vous ne comprendriez pas que je commence ce rapport sans saluer, et de toute mon âme, ceux qui, en ce moment même, en Indochine souffrent et meurent. Je ne voudrais pas leur rendre seulement un vain hommage officiel. Mais nous qui croyons à l'Esprit, et qui savons que l'Esprit est une force, je voudrais que nous nous unissions vraiment à eux.

Et dans le même hommage, puisque ce rapport traite à la fois de l'Indochine et du Maroc, vous me permettrez d'évoquer le souvenir d'un homme profondément valable qu'un terroriste vient d'assassiner à Marrakech, Monier. Celui là n'était pas un « prépondérant », ce n'était pas un ennemi du peuple marocain. Il lui avait au contraire consacré toute sa vie. Il était un de ces hommes qui assurent le contact entre les deux communautés. Entre les Marocains et les Français, il était un pont.

Si on s'en prend à ces hommes là, n'est-ce pas qu'on veut couper ces ponts ; qu'on veut empêcher le dialogue ? Voilà qui éclaire d'un jour inquiétant le terrorisme marocain. J'y reviendrai tout à l'heure. Pour le moment, je ne voulais que placer mon rapport sous cette double invocation : les morts d'Indochine, ce mort du Maroc. Mes camarades, je voudrais tant ne pas prononcer une parole qui ne soit vraiment digne d'eux.

C'est qu'avant de venir, j'ai feuilleté par hasard, le cinquième volume du Journal de Charles Du Bos. À la première page, Du Bos exprime son inquiétude de conscience, au moment de préparer un article sur Byron, tant il craignait d'écrire un mot qui ne fut pas juste. Tels étaient les scrupules de Charles Du Bos... Et pourtant mes camarades, la critique littéraire, cela n'a jamais tué personne.