Allusion à l'Extrême-Asie

Terre des hommes

Paysage de Nia Thrang. Le fleuve, par-delà les ponts à dos d'âne, enfonce ses rives de sables blancs, au sein de montagnes obscures. Rouges et informes, résidus de millénaires vendanges, les tours Chiam... Par-delà le bouddhisme et le confucianisme elles abritent encore le culte du linga civaïte. Et de ces trois rêves les hommes ont modelé leur paysage. Terre imprégnée d'humanité... Terre rodée, pétrie, ciselée par les hommes.

Ici chacun de nous se perd soi-même. Il s'enfonce dans l'humanité comme dans un bain. Je ne suis plus moi, mais je m'enferme dans la chair tiède de l'humanité. Je m'abrite dans la chaleur de cette matrice toujours parturiante.

Mon pied ne creuse pas d'empreinte : il use un peu plus la dalle pas après pas aux cours des siècles incurvée.

Émoi de n'être qu'un instant de l'humanité, de s'y défaire, de s'y dissoudre toute frontière personnelle effacée. Émoi que cette terre m'a donné, mais plus encore les foules d'Extrême-Asie. Frôlant, enveloppant, enroulant sans jamais heurter, elles endorment toute conscience individuelle, elles enlisent. Porté, balancé dans le grand mouvement collectif, pénétré de sentiments inconnus je me fais poreux. À force d'osmose je me dissous. Je suis un instant mal discernable dans la durée des morts et des vivants.