Maroc

Politique sociale

Je ne ferai qu'énumérer les autres mesures que nous pouvons prendre nous-mêmes. Politique sociale, d'abord, et combien urgente quand on pense au sous-prolétariat de Casablanca. Certes, j'ai enregistré avec joie un mieux. On a poursuivi depuis un an une intelligente politique du logement. Mais cela ne suffit pas. Il faut laisser se former des élites marocaines, sans lesquelles nous n'aurons jamais personne en face de nous. Ce n'est pas la moindre raison d'accorder un droit syndical réel. De même, il faut une Inspection du Travail nombreuse et dotée de moyens efficaces. Sinon, à quoi bon produire des textes !...

Parallèlement, on devra poursuivre une politique de la jeunesse, d'ailleurs admirablement amorcée. Il se fait quand même beaucoup de choses bien au Maroc. Cela soit dit pour nous guérir de nos complexes d'infériorité. De même, on devra regarder en face la question de l'intégration des Marocains dans la fonction publique, et cela à tous les échelons. Peut-être arriveront-ils avec des complexes de supériorité parce qu'ils possèdent des diplômes auxquels nous avons cessé de croire, mais auxquels ils croient encore. La seule façon de les délivrer de ces complexes, c'est de leur donner des responsabilités, et pour de bon. Il faut aussi que nous amorcions l'évolution féminine. Les femmes, inutile de se le cacher, sont singulièrement « en arrière de la main » actuellement. Les femmes doivent savoir que nous ne sommes pas les apôtres des retours en arrière, mais que nous entendons aller de l'avant.

Telles sont, dans leur ensemble, les mesures qui dépendent vraiment de nous.

Seulement – je le répète – nous ne ferons pas le Maroc sans les Marocains eux-mêmes. Voilà pourquoi pour aller plus loin que ces amorces ou que ces préalables, nous devons d'abord renouer le dialogue. Voilà l'essentiel, mais voilà où je me refuse à apporter toute précision, parce que les étapes ultérieures comme les formes de notre politique, c'est avec les Marocains eux-mêmes que nous devrons les déterminer. En effet, il faut en cesser avec les paternalismes ! Il faut cesser de sortir de notre cerveau d'Occidentaux des solutions préfabriquées. Ces solutions seraient peut-être généreuses, elle conviendraient  peut-être admirablement à notre caractère à nous. Mais les solutions qui conviennent au Maroc, nous ne les trouverons pas sans les Marocains.

Lyautey a trouvé une politique sur laquelle on a vécu – et pour une large part survécu – pendant quarante ans. Ils faut qu'avec les Marocains eux-mêmes nous sachions déterminer une politique qui vaudra, j'espère, pour beaucoup plus de quarante ans, parce que son terme nous pouvons l'entrevoir. Ce terme : la restauration de la souveraineté marocaine dans une association égalitaire et paritaire avec la France.

Des étapes, il en faudra. Et nous rencontrerons des cahots et des difficultés. Qu'importe ! Car si on voit clairement le terme, si on est résolu, si on adopte tous les moyens dans un esprit de convergence vers le but, alors la question du Maroc, on la résoudra.