Conférence à la fédération des teintures et apprêts

V – Les résultats acquis

Tout à l'heure je me suis montré critique en parlant de la volatilisation, je dirais presque de l'atomisation de nos services d'Outre Mer. J'ai dit quelle hypothèque avait ainsi pesé. Je dois dire qu'en regard, malgré les difficultés ainsi crées de toutes pièces, les Administrations françaises se sont quand même montrées d'une remarquable efficacité. Grâce à elles, je peux vous tenir un langage beaucoup plus optimiste que voici quelques mois. C'est un hommage que nous devons leur rendre, avec l'expression d'une réelle gratitude. Pouvait-on espérer, voici seulement quelques mois, que les positions économiques de la France seraient défendues comme elles l'ont été, tout au moins avec des résultats aussi frappants. L'établissement de plafonds aux importations étrangères, le maintien de plafonds spéciaux pour les importations asiatiques nous donnent le plus grand espoir pour la sauvegarde de ce débouché. Madagascar n'avait pas de tarif douanier et nous y jouissions d'aucune préférence. Certes le tarif adopté par le Gouvernement malgache fut pour nous une déception. Il procède du plus curieux illogisme et paraît peu propre à défendre la jeune industrie malgache. Néanmoins, aussi faible que soit la préférence dont nous bénéficions, elle représente un progrès par rapport à la situation antérieure. Les négociations avec les États de l'Entente viennent de marquer un nouveau progrès en introduisant l'idée de durée dans les avantages mutuellement consentis. Les surprix dont bénéficie la Côte d'Ivoire, pour son café, les préférences qui en sont la contrepartie sont consolidée pour cinq ans, sont ainsi garantis pour cinq ans. Nous pouvons donc espérer une stabilité du débouché tandis que cet État peut bâtir des plans à échéance suffisamment éloignée. Cette idée d'espèce de contrats de longue durée qui vient seulement d'être introduite dans nos rapports avec les États africains m'apparait comme un progrès considérable.

Des efforts à poursuivre

A travers ces accords, nous avons donc l'impression que la France est disposée à jouer les atouts qu'elle garde en main. Mais si les Administrations ont un rôle essentiel, pour lequel nous comptons sur elles, notre profession a aussi le sien. Et d'abord elle doit être présente sur ces marchés. Présente à travers ses organisations syndicales. Vous savez quel est mon rôle au service de la « branche coton ». J'ai pour ma part parcouru 142 000 kilomètres à travers l'Afrique et Madagascar pendant l'année 1960. 142 000 kilomètres, c'est-à-dire plus de trois fois le tour de la terre ! Mais la présence de vos firmes est nécessaire aussi. Quand déferle, je ne puis employer un autre terme, les missions étrangères, il est plus que jamais nécessaire qu'on voit les représentants de la profession.

Ensuite, il est indispensable qu'elle continue de participer à l'industrialisation de ces pays. Et certes, nous pouvons nous enorgueillir du fait que c'est sans doute le textile et par le textile que cette industrialisation est d'ores et déjà le plus poussée, que ce soit au Maroc, à Dakar, en Côte d'Ivoire, en ex-AEF, à Madagascar. Je sais que ce mouvement d'industrialisation n'a pas toujours été compris. On a craint de susciter ainsi une nouvelle concurrence, quand déjà nos débouchés n'ont que trop tendance à se fermer. Cet argument comporte une part de vrai. Mais on doit voir d'abord que de toutes façons cette industrialisation s’opérera. La seule question est de savoir si elle se fera par nous ou contre nous. Ensuite, et c'est un témoignage personnel que je vous apporte : c'est par l'industrialisation que passe désormais la défense de notre débouché. Pour moi, il s'agit d'une expérience vécue. Seules les industries locales peuvent obtenir que les États africains et malgaches se défendent eux-mêmes contre l'invasion des articles des pays à conditions de production anormales. C'est assez logique. Nous ne pouvons compter sur ces États pour défendre ce débouché s'ils n'y sentent eux-mêmes un intérêt.  Si malgré bien des difficultés l'invasion des articles à bas prix ne s'est pas opérée, c'est grâce à l'influence de nos administrations certes, mais aussi parce que les industries locales ont été bien placées pour faire comprendre aux Africains leur véritable intérêt. Autrement s'ils n'ont pas quelque chose de personnel à défendre, la tentation sera trop forte : ils y cèderont.

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