L'Afrique deviendra-t-elle un immense Congo faute d'une association avec l'Europe ?

En 1962, un vide ?

Sa position juridique est assez simple. On peut la résumer en disant qu'à la date de décembre 1962 aucune solution n'était préparée. Sans doute, le Traité de Rome est-il pérenne. Mais son texte, fruit d'un compromis de dernière heure, est des plus vagues. Il n'est qu'un énoncé de bonnes intentions et, comme tel, ne vaut que par sa convention d'application. C'est cette convention qui expire fin 1962 et dont le renouvellement est en cause. La question est d'autant plus grave que le texte de cette convention ne contient ni dispositions transitoires, ni clauses susceptibles de lui survivre, sinon à ses articles 14 et 15 le maintien des avantages contingentaires tels qu'ils existeront en 1961. C'est extrêmement peu.

En fait, le principe même d'une association avec les Pays d'Outre-Mer, comme la liste de ces pays, sont en cause. Si le Gouvernement français maintient que l'Europe ne peut abandonner l'Afrique à je ne sais quel destin, les Gouvernements allemands et néerlandais soutiennent le point de vue inverse. Pour eux, les indépendances multipliées sur le continent africain constituent une sorte de novation qui délie l'Europe de tout engagement ou devoir vis-à-vis d'eux. Ils ne lui sont rien de plus désormais que le Brésil ou l'Afghanistan. Dangereux propos, digne de M. Cartier, et qui peut en Afrique susciter les pires complexes d'abandon. Toutefois, si nos informations sont exactes, le principe d'une association ne serait plus contesté. M. Luns, Président du Conseil des Ministres Européens, l'a tout au moins déclaré, es-qualités, devant l'assemblée de Strasbourg. Reste à savoir si les premiers associés, ces pays d'Outre-Mer qui figurent au Traité de Rome, seront bien appelés par priorité à constituer une association nouvelle avec la CEE, ou bien si on y convoquera toute la terre.

Derrière cette querelle aux allures politiques et juridiques, s'en situe une autre, la vraie, de caractère économique. L'Allemagne et les Pays-Bas craignent qu'en accordant des avantages à l'Afrique, ils ne nuisent à d'autres liens, notamment avec l'Afrique du Sud. Ils redoutent les réactions du GATT, ce dangereux club où prédominent les intérêts britanniques. Ces craintes comportent une part légitime. Elles sont trop ancrées pour qu'on puisse n'en pas tenir compte. Reste à savoir si des solutions ne sont pas possibles, qui apaiseraient les frayeurs de nos partenaires allemands et néerlandais tout en évitant un abandon de l'Afrique à son sort. Répétons-le les conséquences d'un tel abandon seraient incalculables, surtout quand certains États, tel Madagascar, se sont résolument lancés dans la voie de la collaboration avec l'Europe.

Ces solutions de raison, nous avons deux ans pour les faire prévaloir. D'ici là, on s'est montré d'accord à Bruxelles pour maintenir le statu quo.