Où va le nouveau Maroc !

L'ordre rétabli

Le Maroc... Je l'avais quitté dans la pire période, en cet août 1955 où les mitraillettes claquaient au coin des rues. J'y bénéficiai de la dernière audience du Gouverneur Général Grandval. C'était le temps de la colère des ultras et des émeutes européennes dans les rues de Casablanca. D'obscurs meneurs de jeu en avivaient les fureurs. Je me rappelle ces soirs sinistres dans les villes. Le couvre feu avait vidé de tout marocain les rues. La haine fermait les visages. On vivait sous l'oppression de cette haine plus obsédante que le danger.

Tandis que je parcours les Médinas de Salé ou de Fez, qui tant d'années m'avaient été fermées, ce souvenir me hante comme au réveil l'ombre d'un cauchemar. Pour quiconque a vécu ces jours, puis brusquement retrouve le Maroc, le rétablissement de l'ordre tient du miracle. J'ai effectué deux voyages dans ce pays ces trois derniers mois. Je l'ai parcouru de Fez à Casablanca, de Meknès à l'Atlas. Partout l'ordre règne. La sécurité est totale. Partout des visages m'ont souri et j'ai bénéficié de l'exquise courtoisie marocaine. La plaie a cicatrisé et la Hachouma s'est substitué à la haine.

Le Roi du Maroc et son équipe ministérielle n'auraient-ils accompli que ce rétablissement de l'ordre, on devrait les classer parmi les grands gouvernants. La qualité de la plupart de ces ministres est certaine. Peu d'États possèdent à leur tête pareille équipe. Qu'on ne s'attende pourtant pas à trouver ici une relation idyllique. Bien des difficultés demeurent à résoudre. C'est déjà beaucoup pour y parvenir qu'y règne la paix et que les gouvernants tiennent en main ce pays complexe et dur. Le prestige du Souverain est pour chaque marocain comme pour chaque français du Maroc la meilleure des garanties.