Simples propos d'un Européen sur le socialisme africain
La grande peur des investisseurs
Cela dit, l'exemple chinois a dans certains pays d'Afrique, ou tout au moins dans certaines couches de leur population, donné au mot socialisme un contenu nouveau. En conséquence, il a produit un second effet : il a réveillé la peur des investisseurs que ce mot, d'explication en explication, commençait à ne plus effrayer. Une inquiétude s'est répandue, entraînant une sorte de repli. Les gloses des hommes d’État n'y peuvent plus rien, et pourtant les régions où l'exemple chinois joue vraiment sont limitées. Les cercles de jeunes gens qui s'en éblouissent n'ont qu'une influence restreinte. Mais les milieux occidentaux capables d'investir se rappellent le mot de Lénine dans sa correspondance, selon lequel le plus court chemin de Moscou à Paris passe par Pékin, Calcutta et l'Afrique. L'ombre portée que la Chine étend sur certains coins d'Afrique fait que le mot socialisme effraie les investisseurs, émus du risque, déjà trop souvent couru, de mettre, selon une expression qu'ils emploient souvent, « leurs capitaux dans une souricière ». On l'a bien vu quand le Président Tsiranana, pourtant peu suspect d'options aventureuses, l'a employé : immédiatement, les investissements se sont bloqués. Pourtant le Chef d’État malgache ne visait que des réalisations sociales très modestes. Rien ne sert de parler des jugements de valeur : constatons que le mot effraie.
De la crainte ainsi crée on pourrait apporter une autre preuve, a contrario celle-là. Prennent la tête du développement africain les États qui le plus soigneusement ont évité l'emploi de ce terme : Cameroun et Côte d'Ivoire. La réussite extraordinaire de celle-ci a plusieurs causes. Elle est due au génie opiniâtre de son Ministre de l’Économie, M. Saller. Elle est due à des conditions naturelles relativement favorables. Mais elle est due surtout au soin persévérant mis à rassurer les capitaux. Je ne prétends me poser ni en défenseur ni en adversaire du capitalisme. Je constate seulement que lorsqu'on vit dans son contexte, quand on appartient à une aire géographique où triomphe le système libéral, il faut en accepter les règles sous peine d'être disqualifié. On ne peut à la fois se proclamer socialiste et attirer les investisseurs.