Pour une renaissance africaine

De naissantes classes sociales

Nouvelle complexité qui a engendré des troubles et qui peut en engendrer d'encore plus graves par la suite, la société africaine, au tissu uniforme et serré, se fragmente : opposition entre villes et campagnes et, dans les villes, entre les naissantes classes sociales. La décolonisation a ses profiteurs, et ce vocable péjoratif est souvent mérité par ceux des membres de la nouvelle bourgeoisie africaine qui manient le vocabulaire le plus révolutionnaire et professent un orthodoxe marxisme. On essaie, avec raison, de donner mauvaise conscience au monde « nanti » en face de la misère du Tiers-Monde. Mais dans ce Tiers-Monde, comment ne pas stigmatiser les ministres à belles villas, qui, en quelques semaines d'un travail souvent peu effectif, gagnent plus qu'un paysan, son frère, pendant plusieurs années de sa vie, tout en se rassurant l'âme par de beaux propos sur l'austérité, tenus entre deux whiskies ! Certes, de plus en plus, de jeunes hauts-fonctionnaires réagissent et l'insolence d'un certain luxe n'aura qu'un temps. Malheureusement, dans cette classe quand même exploiteuse, les meilleurs ne voient trop souvent le bien de l'Afrique qu'à travers les lunettes européennes chaussées au Quartier Latin. Leur ignorance de la véritable Afrique, de ses qualités et de ses vertus est tragique, même, bien souvent, quand ils dissertent – très à l'Occidentale – de négritude et d'africanité.

Mais voici le plus douloureux de notre Afrique : les faubourgs. A quoi bon décrire leurs promiscuités, avec leurs dégradations et ce milieu de la sursexualisation où les enfants n'attendent même pas la puberté pour jouer leur rôle ! Rappelons seulement que sur cent mille habitants des faubourgs de Brazzaville, il n'en est même pas six mille à vivre d'un métier avouable. Masses misérables ayant perdu leur éthique tribale sans accéder à une morale.

Les campagnes que désertent les jeunes, souffrent aussi du choc de l'Occident. Leur âme est blessée. Les Traditions du Terroir s'effritent, mais en survivent, comme des proliférations cancéreuses des superstitions et des sorcelleries. Les buildings des villes se profilent à l'horizon des rêves, comme des mirages, entraînant le dégoût d'une vie quotidienne moins malheureuse pourtant, bien souvent, que celle de villes.