Mes frères

1927-1928

 

Mes frères, je ne savais pas tant vous aimer quand vous étiez encore en vie.

Nous allions côte à côte par les chemins. Nous croisions nos routes sans nous voir. Les sons parfois, quand le crépuscule voilait d'or le ciel, alors montaient les confidences... Nous croyons parfois nous aimer : mais nos doigts enlacés, jamais nous n'atteignions nos âmes. Penché sur vos yeux, dans le mystère du silence, quand seule au peuplier une dernière feuille tremble, je croyais saisir le secret, boire à vos âmes. Vos yeux étaient comme des lacs, dans le soir, où longtemps demeure le dernier reflet du jour, vos yeux... la nuit a obscurci les lacs, vos yeux sont fermés sur la vie, et je ne connaissais pas votre âme.

Mes frères, c'est maintenant que je vous aime.

Ah ! Votre âme soudain en moi, votre âme.