Les misères mineures, leur chant chétif

À André Colin

1934

… Et puis, une brisure tendre au fond du cœur,

Les misères mineures, leur chant chétif.

Le murmure plaintif de l'enfant triste par ce Dimanche

Tant attendu où l'on s'ennuie.

Le jeu vide quand on sent que demain ce sera le collège de nouveau, les jours sans mère,

 

Que demain ce seront les camarades, l'éclat bruyant du cirque

Plein la bouche,

Leurs yeux noyés encore, - explorateurs mal émergés des profondeurs, avec des phosphores étranges et des coraux-,

Traînant avec eux le tintamarre des grelots, le bond des fauves,

Nimbés, séparés de lumière criante, de cliquetis d'armes, de panaches...

 

Ce soir l'enfant plaintif se rappelle ses fêtes, quelquefois, et cette pièce au Chatelet,

- En se penchant on voyait presque la moitié de la scène.

Et de chanteur, il ne sait plus bien où,

Qui chantait si fort et dont la voix tremblait tant qu'il en avait été bouleversé.

 

Il se rappelle...

 

Mais tous ces jours, jours de collège, le froid au cœur,

Quand on attend sa mère, et qu'on sait qu'elle ne peut pas venir.

Il regarde pourtant l'horloge... N'est-ce pas elle là-bas, dans le sentier mousseux de neige ?

C'est elle, - voici sa tête un peu penchée, sa marche lasse,

Et le cabas avec de pauvres friandises qu'il mange seul,

Des friandises de pauvres qu'on ne peut  pas offrir aux autres.

 

Mais non ! C'est un vieil homme, la goutte au nez, la face rouge...

 

L'attente folle, Chaque minute...

On s'accroche à son espoir d'autant plus fort,

Qu'on ne peut plus rien espérer...

L'attente folle, chaque minute, le cœur qui bat.

La grille grince ? Mais non !... Mais non !... Ce n'est pas elle !

 

Ce soir encore, gorgé de peine,

Dans la solitude enfin trouvée du lit,

Il s'endormira en pleurant.

 

Et bientôt un autre dimanche.

Un autre dimanche, tant attendu et puis si vide.

Ce n'était que cela... Ce n'était que cela...

Dimanches, dans les rues vides, sans devantures, la promenade,

Tous ces plaisirs

Qu'on a honte de raconter.

 

Et puis cette mère si triste, son sourire lassé...

Oh ! C'est si triste d'être la mère d'un enfant triste !

Tristesse de pauvres, douleurs de pauvres...Être la mère

Quand à la veille de Noël

On sait que les souliers resteront vides...

 

Mon Dieu, pourquoi les pommes en Septembre ? Pourquoi les jonquilles au matin bleu frais du premier Printemps ?

Et pourquoi les enfants, si ce n'est pour la joie ?