Hymne à la mer harmonieuse

1925

pour Ahès

Ses grands yeux mordorés contemplent l'Océan,

Qui s'irise du soir et du soleil couchant,

Une ceinture d'or sous sa robe en dentelle

Transparaît, et son sein palpite, comme une aile.

Ses nattes sur son cou penchent comme un lilas,

Sa main sur une harpe erre d'un geste las...

Et le bruit nonchalant s'accorde à la complainte

De la mer qui gémit son éternelle plainte,

Une vague légère effleure son pied nu,

Le timbre harmonieux pour un instant s'est tu :

Puis prenant le poème, elle chante à voix haute,

D'un accent qui frémit, qui danse, vibre et saute,

S'accompagnant à peine un peu, sans y penser.

 

Les notes et les mots dans l'air vont s'élancer.

 

Harmonie, Harmonie onduleuse et légère,

Fille du Rythme lent, et de la Note mère,

Harmonie !

Vibrations d'un cœur sujet du dieu d'Amour,

Reflet d'opale, au ciel, vers le déclin du jour.

Harmonie !

Fille de l'Océan et de la mer Égée,

Toi, par les hommes fous si souvent ravagée,

Harmonie !

O ! lueur du soleil sur les glaciers d'argent,

Bruissement des forêts qui chantent sous le vent.

Harmonie !

Harmonie, harmonie ! Jardins de Babylone,

Volcan tout bouillonnant que la lave couronne,

Harmonie !

Chant des Djinns dans la nuit de l'Atlas inquiétant,

Chant du grand muezzin chez les mahométants,

Harmonie !

Harmonie, printemps ! Splendeur des automnes !

Rectiligne avec des temples à colonnes !

Harmonie !

Rythme inconstant, vivant ou mort, rythme brillant,

Rythme qui ne finit, rythme sourd ou bruyant...

Harmonie !

 

Au dernier vibrato sa main retombe lourde,

Et le rythme indécis s'endort dans la nuit sourde.