Exaltation

Hymne à la mer.

O mer de nacre et d'émeraude,

O mer multiple et monotone,

J'ai connu sur tes flots qui longtemps me portèrent

tout le bonheur, auquel aspiraient mes désirs.

 

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J'ai sillonné par des matins insubstantiels

la surface d'acier que rouillent les sargasses,

j'ai déliré, lorsque la brume moite et grasse,

semblait nouer aux mats des bavures de ciel !

 

J'ai vécu les éveils impatients des ports,

où des steamers appareillaient vibrant d'hélices...

des ports, - fervents, où l'on pressentait vos délices

Escales – îlots bleus qu'ouvrent des golfes d'or.

 

Je t'ai connue, O mer ! Intimement - J'ai vu

le soleil torturé dans les soirs des tropiques...

les nuages se fondre en l'azur pathétique

d'un ciel dur, où vibraient des frissons inconnus.

 

J'ai rêvé par des soirs estompés et laiteux

des soirs chauds où je balbutiais de tendresse

j'ai dormi nu, exténué de tant d'ivresses,

sur le port des bateaux tout ruisselant d'air bleu.

Le navire semblait s'envoler vers le ciel

d'où la lune pleuvait sur l'eau son cône d'ombre.

 

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O mer ! Sommet altier où s'efface tout bruit,

où le bruit sur le bruit se compose en silence.

Sommet, où n'atteint pas l'ombre ni la souffrance,

Spectres que le soleil total anéantit.

 

O mer des soirs d'été luisants de flots soyeux,

mer des soirs opalins et nacrés, mer païenne

où pleure exaspéré le sanglot des sirènes...

O mer des nuits d'étoile où naquirent les dieux.

 

Mer sidérale, O par un soir, se fondre en toi

être l'épave et pénétré de tes eaux vertes

se diluer, O ne plus être ! Ne plus être !

Je voudrais le néant de tes flots sans émois ;

 

Car je t'envie, O mer, Océan limité,

O toi qui doit finir et pour ne plus renaître,

toi qu'attends le sommeil béant de ne plus être.

Quand moi, je durerai toujours ! Toujours !

L'éternité !