Retour en Amérique

Pays sans classes, sans snobisme...

Les américains vont vite en amitié. Je crains qu'ils ne vous oublient aussi vite... A chacun de mes voyages, je me suis fait là-bas des amis innombrables. Mon porte-feuille est encore plein de leurs cartes.

Où les ai-je récoltées ? C'est mon vendeur de magasin, à Chicago, qui voulait me faire acheter un pull-over jaune citron à dessins verts. C'est un officier de marine rencontré dans le club-bar entre Los Angeles et San Francisco. C'est le portier de mon hôtel à Salt Lake City. C'est ce fabriquant – milliardaire – de boutons en matière plastique. Chacun, après quelques minutes de conversation, m'a invité chez lui. Au bout d'une heure, il m'appelait par mon prénom. Si l'Amérique connaissait le tutoiement, personne n'userait du vous.

Et c'est l'agrément de ce pays sans classes sociales – peut-être le plus grand charme de l'Amérique – aucun snobisme. Je sais, l' « aristocratie d'argent », à Boston ou à Philadelphie, condense tout le snobisme du Continent et s'en fait un monopole (qu'Hollywood lui dispute). Je l'ai peu connue, cette fausse aristocratie. Je ne désire pas la connaître davantage. Je ne viens pas ici me mêler à des milieux sophistiqués. J'aime bien trop ces grands gars un peu brutaux, avec leur dégingandé malgré tout gracieux de poulains. Ah ! mes bons joueurs de base-ball, si simples qu'un esprit superficiel ou mal préparé les croirait bêtes. Je les aime surtout pour leur absence de servilité. Ici, tous sont égaux. Ce sentiment anime la démarche de chacun. Pourquoi mon vendeur de magasin serait-il obséquieux, ou mon liftier, ou le barman ? Ne sont-ils pas comme moi des hommes libres. Leur job en vaut un autre. Pourquoi le vôtre vous rendrait-il supérieur ? Non, mon vendeur de magasin m'accueille avec de grandes bourrades dans le dos. Deux jours encore, mon liftier m'appellera Georges.