L'enjeu algérien

Le sort d'un million cinq cent mille Français

Car c'est un idéal, le sort de cinq cent mille Français d'Afrique du Nord. Je dis bien un million cinq cent mille Français d'Afrique du Nord : car nous ne défendrons pas les Français du Maroc ni ceux de la Tunisie (déjà bien menacés) si nous perdons l'Algérie. Le sort des Français, dans les protectorats désormais indépendants, se joue aussi en Algérie.

Or les proclamations du Front de Libération Algérien ne laissent malheureusement aucun doute, même quand parfois la tactique les porte à ne parler que des « gros ». Ceux de nos compatriotes que les fellaghas ont égorgé dans leurs fermes, après avoir sous leurs yeux violé leurs femmes, n'étaient pas des « gros »... Je sais bien qu'on ne doit pas placer l'Affaire d'Algérie sous le signe d'atrocités dont notre cause n'est malheureusement pas toujours exempte. On ne ferait qu'aviver la haine là où il s'agit de l'effacer. Quand même, ces faits existent... Et ce sont des vies humaines à sauver. On a trop vite calmé sa conscience, cette conscience qu'en même temps on porte en bandoulière, en disant que ces Français sont des colons... Ce mot est-il une insulte ? Défricher la terre, transformer un pays, y créer de la richesse, est-ce une tare ? Et puis, vous savez combien ils sont, les colons en Algérie : 25 000 sur 1 250 000 Européens. Et sur ces 25 000, à peine cent sont des « gros ». Et ne croyez pas que les Français d'Algérie sont des nababs : leur niveau de vie est presque d'un tiers plus faible que celui des métropolitains. Il suffit pour en être convaincu d'avoir traversé certaines rues d'Oran ou même d'Alger.

D'abord sauver leur vie, à ces Français qui ont quelques droits sur cette terre eux aussi. On oublie trop qu'ils sont indigènes. La semaine dernière en Alger, j'ai vu un petit garçon : il représentait la huitième génération depuis que sa famille est en Algérie. N'en déplaise à François Mauriac, je n'ai lu nulle part dans la Bible que la terre de ses pères lui soit interdite.

Car ce serait la lui interdire. L'Algérie musulmane ne peut fournir les cadres d'un État moderne. L'encadrement qu'elle se donnerait vaudrait celui de l'Iran ou de la Jordanie. Pouvons-nous abandonner à un tel régime une large part de notre communauté nationale, en admettant que le risque ne soit pas encore plus grave...mais ceci, je vais y revenir.

Les Français d'Algérie ne sont pas seuls en cause, mais d’abord ces musulmans qui tombent beaucoup plus souvent qu'eux victimes du terrorisme et que nous avons comme premier devoir de protéger. Le mois dernier, quand les fellaghas égorgeaient quarante Français, ils passaient au tranchant de leur couteau huit cents des leurs. Ces vies n'ont-elles pas une valeur ?