Agonie et mort des Établissements Français dans l'Inde

L'accord de Pondichéry et la Constitution

Pour éviter le référendum refusé par l'Union indienne, le gouvernement a accepté qu'un congrès des municipalités de l'Inde française, réuni dans une des communes que l'Union indienne encercle totalement (ce qui peut difficilement passer pour un gage de liberté) se prononce au lieu et place d'un référendum. Certes, diverses manifestations ostensibles de libres consentements étaient affichées, telles que l'installation d'isoloirs et d'urnes. Par cet appareil, on prétendait démontrer que l'article 27 de notre Constitution était observé.

En fait, il ne l'était pas, puisque le rattachement à l'Inde était prononcé par une Assemblée dont les membres avaient été élus pour un tout autre objet. Devant l'Assemblée de l'Union française, répondant à une question orale du président Boisdon, le représentant du Gouvernement a plaidé que le Congrès de Kijeour était une assemblée se prononçant au second degré et que, partant, la Constitution n'était pas violée. Un représentant du gouvernement pouvait difficilement sans doute tenir un autre langage, mais cette argumentation n'aurait eu de valeur que si, contrairement à ce que nous venons d'indiquer, ces municipalités avaient été élues sur la question de l'avenir politique des comptoirs. La vérité est que, par une pression dont nous avons indiqué le poids, l'Union indienne a rendu impossible l'application de notre Constitution. Telle est l'amère vérité dont on ne peut faire grief à nos dirigeants.

Par contre, à cette occasion, la Constitution a été violée une seconde fois et d'une façon beaucoup moins explicable. Déjà, on peut s'étonner que le Parlement, réuni le 4 novembre, n'ait pas été appelé à se prononcer sur la cession des Établissements. Celle-ci s'est trouvée faite en somme sans que ni la population locale, ni le peuple français ne se soient prononcés, sinon par le vote du 27 août que nous avons relaté. Mais, surtout, l'article 75 de la Constitution prévoit que l'Assemblée de l'Union française est obligatoirement consultée pour tout changement de statut d'un territoire. On peut difficilement affirmer que le passage d'une administration française à une administration étrangère ne soit pas un « changement de statut », et que le gouvernement puisse réaliser cette opération sans autorisation préalable, alors qu'il lui en faut une pour transformer un territoire d'outre-mer en département ou en État associé. Telle est pourtant la thèse qui a finalement prévalu et dont à Versailles le président de la commission du règlement, M. Oreste Rosenfeld, s'est fait l'avocat. Ce littéralisme juridique nous paraît contraire aux traditions de notre droit. On doit remarquer également que l'Assemblée de l'Union française, qui réclame non sans raison des pouvoirs accrus, s'est montrée une fois de plus timide à user de ceux qu'elle détient.

Nous citons ces faits par souci d'être complets, car, encore une fois, le gouvernement français nous semble avoir agi pour le mieux devant l'agression, le terme n'est pas trop fort, dont un territoire de la République était la victime. La Constitution a été violée deux fois : la première du moins ne lui est pas imputable.