Chapitre XV

Dans une sorte de sommeil lourd, Durtal entend qu'on ouvre le cagibi où il vient d'achever sa nuit.

« - Cette fois-ci, finies les comédies ! Il va falloir tout nous dire, crie un policier. Mais Durtal n'a plus qu'une conscience très floue de ce qu'on veut de lui. Il éprouve seulement une grande faiblesse ; sa tête est pleine de nuages, avec dans les oreilles des cloches qui sonneraient, qui sonneraient.

- Tiens, il ne s'est même pas rhabillé, remarque un policier. C'est peut-être un nudiste.

- Alors, tu vois, dit l'inspecteur de sa voix calme et insonore, cela ne sert à rien de te taire. Dis-nous tout, sinon on recommence à te cogner. »

Durtal n'a même plus la force de nier. Et puis qu'importe. Simplement ne plus penser, ne plus sentir. Dormir.

« - Alors, dis-nous pourquoi tu as attiré  ce Durand-Fouques au Globe ? Dis-nous pourquoi tu voulais le tuer ? Pourquoi tu l'as tué ? Qu'est-ce que c'était, ce Silas dont Leroux t'a entendu lui parler ? »

Les questions se succèdent, se précipitent. Durtal voudrait répondre quelque chose. Mais tout cela est si loin. Et ces cloches. Toujours ces cloches dans les oreilles.

Une gifle ; une autre encore. Et puis Durtal sent qu'on le place devant un mur, à grand renfort de claques et de coups.

« - Puisque tu aimes mûrir en espalier, on va t'y remettre, dit un des hommes.

Mais les policiers, les coups, la pièce même où il se trouve tout cela c'est très loin, très loin. Durtal souffre, il a mal partout, mais cette douleur elle-même semble venir de très loin. Seulement pèse, comme si toute la souffrance se concentrait en lui, ce pincement au cœur.

Et puis, au fond de ces ténèbres, un visage. Est-ce le visage de Silas ? Un visage au front déchiré, avec des yeux nobles et tristes, une grande plaie sur la joue. Il s'approche. Il grandit. Il est là tout près. Et Durtal sent des lèvres sur ces yeux.

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« - Merde, mais il clamse » - dit un policier.