Allusion à l'Extrême-Asie

Halong

La haute jonque s'est posée comme un insecte sur le fleuve. Proue et poupe dressée à peine l'effleure-t-elle de son flanc. Elle flotte moins sur l'eau que le vent ne la porte, vibrant aux bambous de son empennure. Jamais un claquement de voile mais ce froissement en cascade des bois creux qui se choquent.

La haute jonque détache sa marbrure d'or roux sur le ciel éteint. À l'approche de l'orage tous les tons se sont amortis, le rose pulpeux du fleuve, le bleu des montagnes. Seule la rizière sans aucun obstacle pour en ponctuer la distance inscrit entre le fleuve et l'horizon un trait vif.

Jonques d'or, sampans noirs, et puis le fleuve s'élargit aux dimensions de la mer, tandis que des eaux soudain immobiles monte, mâtée de calcaires, gréée de lianes, entoilée de jungle, la flotte ardente des rochers. Glissons encore et la flotte se déploie en îles, avec des plages de sable fin coupées de fiords tranquilles. Des criques offrent leur douceur à notre repos.

Mais au matin, de la montagne surplombante, chaque roc est un poème que la terre et la mer s'entredédient, une tablette d'or sur l'autel bleu de la mer. Voilée d'azur les pans de jungles se tempèrent et les crêtes s'amortissent.

Étrange paysage réciproque, indéchiffrables idéogrammes au rouleau soyeux de la mer. Ces rochers épars expriment en allusion des montagnes et de ces vallées où les rizières inondées évoquent elles-mêmes une mer semée d'archipels.

 

 

Rapport du voyage effectué en Indochine par M. Le Brun Keris, Conseiller de l'Union Française sur